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vendredi 4 avril 2014

Au Maximilien du Chef Eblin, pour un menu-dégustation de fin d’hiver


Qu’il est doux de reperdre un peu de son temps à table, surtout à celle d’un Chef qui est sans doute plus cuisinier que purement restaurateur. En cette fin d’hiver alsacien, qui nous propulse en plein printemps sans transition aucune, je m’installe donc dans cette salle où rien d’autre que la vue sur Riquewihr et les différentes assiettes ne nous concerne. 

On passe vite alors sur les mises en bouches, qui calent et préparent l’appétit, avec une grosse mouillette de pain craquant, noix, fromage frais et herbes ciselées, puis un second service encore plus simple dans son velouté asperge et écume de lard, suivit d’une habitude du chef, le maki du jour, à la chair de tourteau.
En choisissant le menu-dégustation, on sait que le plaisir sera complet, mais à ce moment-là, on ne sait pas encore à quel point.


 On débute alors, déjà classiquement, par un foie gras d’oie poêlé, escorté de rhubarbe confite dans son jus et le gras du foie. Celui-ci, taillé dans un beau bout de lobe, est peut-être un tout petit peu trop cuit, ohhh rien, c’est histoire de quelques secondes mais c’est assez rare pour être signalé. Par contre il est accompagné d’un contrepoint des plus malins que je n’ai jamais goûté dans cet exercice : deux lignes d’un mélange sec de ciboulette-échalote et fraises. Tout ceci apporte un coup de fraîcheur, une pointe d’acidité, et souligne le tout par le goût de la fraise qui va définitivement bien avec la rhubarbe, mais aussi avec le foie poêlé. Une superbe idée qui a le mérite, en plus, de faire se rejoindre le plat et mon vin : un riesling GC Rosacker, du millésime 2010, et de la maison familliale Eblin-Fuchs.






Ce premier jet nous rassure, le second finit déjà de nous convaincre, car arrive alors une assiette du fameux homard en fricassée, un plat dont l’esprit et l’aspect change rarement mais qui évolue toujours au goût du jour…c’est aussi ça la cuisine, la vraie, celle qui n’est pas normée en fiche-produit. Le crustacé est, pour le coup, très bien cuit, avec la juste mâche et résistance sous la dent. Il est servi dans un cappuccino de butternut et sous une râpée de truffe melanosporum. Il est surtout accompagné de tous ses à-côtés évidents et hautement réjouissants, des compléments d’objets directs en somme : quelques billes de carottes, des ciselures diverses, du poireau-fane et de mini-girolles comme j’aime, avec une sauce à l’exacte dosage en carapace, pour un plat de fin d’hiver gourmand.


 Ensuite tout s’accélère et touche au sublime, arrive alors une assiette d’œuf à 63°, qui fait le lien entre des gambas et quelques morilles fraîches ; si l’assiette fait penser a la précédente, elle est encore plus jouissive. 
Tout est d’une justesse formidable, l’œuf est vraiment cuit à 63°, le blanc est à peine pris, le jaune terriblement coulant. Les gambas, translucides, sont juste touchées par la chaleur, et les morilles sont belles, fermes, croquantes et douces. On trouve des similitudes sur les accompagnements mais le plaisir est largement renouvelé, un peu plus forestier.




Puis arrive une assiette complète de plaisirs marins et printaniers : un filet de bar rôti, une quenelle de langoustine et homard en tartare et une royale langoustine, se reposent sur quelques asperges. Cet assemblage peut surprendre les foodistas parisiens ou autres, adeptes du produit unique, dé-re-structuré mais pour les mangeurs de bonheur, il se pose là. 

Le bar et la langoustine sont d’une cuisson incroyablement juste, à la milliseconde, ils sont tous deux nacrés, le poisson un peu plus cuit que le crustacé incisé dans sa longueur, pour nous en faciliter la dégustation. Le cru apporte une belle dimension et son assaisonnement est superbe aussi. Tout ceci est posé sur les premières asperges vertes de l’année, accompagné de quelques légumes à l’aigre-douce, et d’un jus d’orange-saline de toute beauté, qui apporte encore un supplément de gourmandise.




Après une telle assiette marine, il nous faut reprendre pied sur la terre ferme, le chef nous emmène alors dans les Pyrénées avec un agneau de lait aux morceaux déclinés. Il est accompagné de quelques légumes, dont un artichaut tourné on ne peut plus classique et très bon, de jeunes carottes, des pointes d’asperges, une purée de petit pois et de l’épeautre largement mouillé par le jus de la bête. 
Cette bête justement, on nous en donne à manger un petit carré, un morceau de selle, et un autre qui mêle différents morceaux confits et rogatons moins nobles, mais plus goûteux encore. Quelques gouttes d’un jus puissant ponctuent cette assiette et cette viande dont le côté virginal n’empêche de diffuser tous ces effluves, magnifiés par le Chef. Le plus étonnant, c’est que l’air du printemps et la jeunesse de cette viande se plaisent toujours avec mon riesling pour un accord des plus surprenants.


Après tout cela, on est sur notre petit nuage, et on prend, sans trop y penser, ce petit assortiment évident de fromages régionaux, un peu de chèvre/ciboulette ultra-frais, une tome aux orties, et un peu de munster au cumin avec un confit de berawecka. Une assiette bien moins marquante mais qui remplit son office tout de même.


Le dessert clôt le moment-épicurien en douceur, avec un tiramisu de saison, fraise-rhubarbe, très justement dosé en cette dernière, avec un bon goût de fraise qui répond aux notes de café. Mais le plus agréable reste, comme il se doit, cette crème entêtante de plaisir. A côté de cela trône un peu de glace aux fruits rouges, agréable et juste, qui a le bon goût de fruit et la fraîcheur apte à la digestion.


 Si le final, comme l’ouverture, est bien moins impressionnant que le reste, c’est que ces cinq plats qui font le corps du repas sont franchement fabuleux, signés par un vrai cuisinier, qui chaque jour sur le métier remet son ouvrage. Les jus, les accompagnements, tout fait sens et concours au plaisir, tout se mêle évidemment, sans ostentation, juste parce que c’est ainsi que c’est bon. Si cette cuisine est évidente et très classique, elle n’ennuiera jamais celles et ceux pour qui le goût fait tout.

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