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mercredi 22 mars 2017

Vaut le voyage : le Vol-au-vent totalement-mythique de Fred Ménager

Bientôt, promis, je vais arrêter de vous saouler avec ce gars…vous n’aurez qu’à y aller si en voulez plus.
Mais bon, quand le même bonhomme te procure des volailles de vieilles souches maturées de cette qualité, quand c’est toujours le même qui te sert un menu à 50 balles de ce niveau dans sa ferme-auberge, et quand il propose du mythique comme ce qui suit, vous conviendrez qu’on ne peut pas ne pas le partager. 




Faire 6-7h de route dans la journée pour manger un seul et unique plat tient du trouble mental pour certains, c’est qu’ils ne savaient pas…



Ils ne savaient pas que la grande cuisine bourgeoise participe de nos fondamentaux, que tout le grand monde de la haute gastronomie mondiale se damnerait (ou devrait) et traverserait prés, montagnes et océans, à vélo, en rampant ou en nageant s’il le fallait pour manger un tel plat.
Un plat, décuplé à l’infini pour notre propre plaisir et que j’ai eu la chance de déguster le dimanche 29 janvier 2017, jour marqué d’une pierre blanche et rouge dans mon cabinet de curiosité interne et ma sensationothèque gustative.


Nous débutons alors ce « plat-menu » par un petit gâteau de foie (de volaille) bressan, accompagné d’une demi-écrevisse et d’une crête de coq.  Pour se mettre dans l’ambiance, rien de mieux, du tradi, du goût, et c’est tout.
Passons sur la chance qui fut la nôtre de tomber en même temps qu’un chasseur-partageur qui amena quelques sarcelles-pour-tous à nous partager, cuisinées par le chef (des fois qu’il n’ait pas assez à faire), car vous n’aurez sans doute pas cette aubaine.




Débutons plutôt le service classique, ultra-classique, génialement classique, des quenelles.
Mais alors des quenelles mes ami(e)s, j’en avais déjà mangées de bonnes, mais mon échelle d’étalonnage a grimpé de 2 niveaux ce jour.



Nous avons commencé par des quenelles de veau truffées, géniales, incroyables de texture, une mousse-solide, dodue, intègre et tellement pleine de goût et de richesse qu’elle colle légèrement aux dents. La petite sauce crémée et la truffe à la juste maturité, en poudre dedans, en tranche dehors, nous installe dans notre rêve éveillé.






Une seconde quenelle arrive, une de volaille celle-ci, avec des grenouilles et une sauce au vin jaune. Elle est plus tendre, plus rebondissante sous la dent et l’accord de goût et de texture avec les grenouilles (plus molles) est superbe, la saucavagnin et la truffe complètent le mariage de raison, en fait beaucoup sans en faire trop. Les grenouilles sont peut-être le seul produit de tout le repas dont j’arrive à choper une meilleure came en saison, mais pour trouver une telle quenelle, avec une telle matière, tu peux toujours repasser pour la trouver ailleurs.

Après, on ne sera même pas plus étonné que ça de voir arriver un dernier service avec une quenelle de brochet, baignant dans une sauce Nantua. Le goût est préservé, la trame est bien plus serrée et la sauce est un extrait de souvenir.

Après ça, on pourra manger tranquille, le plus tard possible, mais on pourra ! 



Car nous n’en sommes finalement qu’à l’échauffement…mais là, ça y est, on est chaud, les 27 couverts ont le sourire, les coudes sont souples et les quilles basculent. 


Puis arrive le PLAT…le PLAT qui, quand il survient, te marque la rétine pour la vie…il y a comme une faille spatio-temporelle-ultra-fantasmagorique dans la salle…il faudra le voir pour le croire, puis le manger pour ne plus jamais l’oublier. 





C’est le genre de trop-plein qu’on recueille avec joie et ce plat, ce magnifique plat, on le partagera à six, avec même un peu de rab pour les pires. Dans ce plat il y a un gigantesque morceau d’un veau, sans doute pris dans le quasi, il y a les meilleurs morceaux des plus belles volailles qui soient, il y a des écrevisses d’un beau calibre, encore quelques quenelles, des ris de veau immaculés et superbement cuits, le plus beau rognon de veau que j’ai jamais vu et goûté, une sauce crème, des morilles, et de la truffe à n’en plus finir, le tout vaguement accompagné d’un feuilletage soit léger/croquant (au-dessus), soit totalement subjugué de tous les sucs de ce plat de malade. 

Malade de bonheur, malade de véritable produit et de plaisir intense à partager à table.  










A partir de là, plus rien n’a vraiment d’importance que le « Moment », nous nous servons, servons nos belles, partageons nos impressions et nos bouteilles avec nos voisins de table et nous y revenons, encore et encore, avec toujours plus d’envie, toujours un autre morceau à associer à un autre.
Tout est si goûteux, tout est si daté, tellement délicieux, que les mariages des plus simples aux plus compliqués, veau-ris-rognon, volaille-truffe-écrevisse, volaille-morille-ris, tout est formidable, surtout poussé par des vins d’anthologie. On a bien dû mettre 45-60 minutes à finir ce plat, mais même arrivé à ces extrémités, on se bat, avec le sourire et un code d’honneur, pour le terminer.

Nous finirons le plat, consciencieux, en partageant une incroyable bouteille de Chambertin…Ruchottes bien sûr (merci à un autre généreux partageur) de Rousseau avec le maître des lieux qui, même lui, hallucine devant l’ambiance et le plaisir que mettent et prennent ces clients.   




Après ça, on laisse tomber le fromage, on discute avec ses voisins et on passe à deux fabuleux desserts -bienvenue, extrapolant sans les dénaturer les agrumes également mythiques de Michel Bacchès. Impossible de se souvenir exactement du goût, mais on se souvient de leur efficacité et de leur singularité.





D’ailleurs si je n’écris cet article que 7 semaines après le repas, c’est bien pour ne se rappeler que de la quintessence, et retomber sur terre, ne pas trop en faire…imaginez alors si j’avais écrit la nuit de mon retour ! ;-)

Mais l’important est ailleurs, on pourra dire « j’y étais » à ce service où il s’est descendu et partagé environ 40 bouteilles pour 25 couverts, ce service où, d’un coin à l’autre de la salle, à partir du milieu du repas, tout le monde parlait avec « l’autre », ce service où nous sommes nombreux, pourtant coureurs de plaisir-vrai, à avoir pris la plus grande baffe de cuisine bourgeoise de notre vie d’hédoniste.
L’école Chapel a vraiment du bon, quel dommage que je n’ai pu y avoir mon rond de serviette. 




Trouver un tel plat ailleurs, c’est très certainement impossible, trouver un autre chef tatoué-barbu-sympa (qui est VRAIMENT passé chez le Maître) qui joue du couteau et du tracteur plutôt que du mixeur et de l’Iphone, de l’élevage que du Métro, de la spatule-passoire que du pacojet, de la gratte électrique que du plan-d’financement, je ne  pense pas que ça existe…trouver un tel lieu, de tels jus, une si belle journée, des produits comme ça et une ambiance pareille…ça n’arrivera sans doute jamais à 99% d’entre nous, c’est pour cela que j’en reviens au commencement : ce repas, au regard de la philosophie originelle du Michelin, vaut amplement le déplacement, donc vaut 3 étoiles (*) sans coup férir…Que cela soit dit !





(*) Mais par pitié Messieurs les Inspecteurs, ne lui donnez jamais la première, en continuant comme ça, le gars Fred vivra sa Vie et vivra de sa passion,, il essaimera des petits « Ménager » dans les années à venir et on sera nombreux à y aller dès que possible et on leur fera, naturellement, la meilleure des publicités : on donnera le conseil et l’ordre bienveillant qui viennent du cœur, la recommandation à d’autres épicuriens, l’œil et la babine humides. 

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