Mes amis-clients le
savent depuis longtemps, quand je veux être sûr de (me) faire plaisir,
simplement plaisir à un coût plus raisonnable, je conseille souvent de prendre
table dans les (bonnes) annexes des étoilés.
Par annexe, j’entends la
deuxième adresse des grands chefs, celle où, avec ou sans leur nom accolé, ils
retournent à leurs premières amours, à plus d’évidence et aux racines du
plaisir de cuisiner et de nourrir son contemporain.
Même quand le nom du
Chef étoilé n’est pas directement promis, difficile (et très dangereux) de
décevoir des clients à la pelle quand on a passé son temps à vanter, auprès des
habitués et des journaleux, l’annexe de…., la brasserie de …., la « petite
table » de…, en Savoie, comme ailleurs.
Alors, lors de mon
dernier passage là-bas, je suis me suis détendu de la fourchette et du godet avec
la cuisine canaille du Café Brunet à Annecy-le-Vieux, et celle, plus
bistrotière++, du Flocon Village de Megève.
Là, maintenant, tout de
suite, j’y retournerai bien, alors replongeons-nous y ensemble…
En entrée et au comptoir
de Laurent Petit, le chef double-stars du Clos des Sens, je me coltinerai
bien, à nouveau, à son pâté en croûte
maison, une belle et simple réalisation,
sans forcément d’envolée ni de nobles morceaux dedans, mais qui a le
grand mérite de nous calmer la faim, tout en nous excitant l’appétit. Faut
avouer qu’il est bien assaisonné - sans parler du trait de fleur de sel, de la
saupoudre de poivre - et que cette farce légèrement mixée, cette belle croûte
et cette gelée correcte font plus que de la figuration, sans oublier la
quenelle de confiture de figue légèrement vinaigrée qui aide à faire couler les
rouges savoyards.
Pour plus de finesse,
direction la succursale de M.Renaut, chef d’un des trois étoiles les moins
chers de France (tout est relatif évidemment), pourtant installé dans The
village-écrin, total-bourge, pour sa fine tarte reblochon-lard. Cette
flammakuacha savoyarde gagne en délicatesse sous la pâte du Chef, celle-ci est
fine comme du papier-à-cigarettes, légère en crème et lard, un peu plus marquée
par le reblochon fondu et titillée par la ciboulette, plus grossièrement hachée
et qui donne du peps.
Mais bon, quand on a
faim, on arrive vite à bout de ces entrées, alors on retourne dare-dare à
Annecy-le-Vieux, et après avoir sympathisé avec le patron, on se fait proposer
un plat hors carte, une superbe double côte de cochon, bien cuite, servie avec
quelques patates sautées, et une casserolette de sauce vineuse…voilà qui est
sérieux ! Plus que canailles, ces plats roboratifs, quand le produit
principal est beau, remplissent le cœur du gourmand d’allégresse : c’est
une joie d’y revenir dix fois, de tremper et de perdre de larges morceaux de
viande dans la sauce avant de les retrouver, gorgés-prêts à engouffrer, et de
mouiller le tout par de larges verres de Mondeuse à maturité.
Après cela, seuls les
plus sérieux d’entre nous auront encore une petite place à caler, ils feront alors
une promenade digestive jusque dans les recoins de Megève-la-calme, dans cette
salle souvent prise d’assaut, pour se tailler une bavette aux échalotes,
étrangement servie alors avec un ptit gratin de macaronis-gruyère-jambon. Je
parle d’étrange car la régression n’étant plus à la mode depuis 5-10 ans, on ne
comprend pas bien ce que cela fait là, même si ce n’est pas désagréable pour
autant. Le meilleur, heureusement, reste la viande, mieux sélectionnée, bien
maturée, avec la juste résistance, le bon grillé et un jus rendu plus pointu
par l’échalote.
Vous l’avouerez, avec ça
on est calé pour affronter les premiers frimas, savoyards ou autre, et à 26-27
€ les deux plats de cet acabit, deux plats pleins de plaisirs, deux plats
supervisés, même de loin, par des Chefs multi-étoilés, on fait une belle
affaire et on passe deux bonnes soirées.