C’est une ferme-auberge
prisée par tous les meilleurs vignerons, chefs étoilés et véritables gourmets
de ce monde et c’est perdu dans les environs de Bligny-sur-Ouche, c’est le
paradis « pas perdu pour tout l’monde » au cœur de la Bourgogne
gourmande et de la France épicurienne et ce fut le nôtre pour une après-midi
d’anthologie.
Avoir une table à La
Ruchotte, déjà, ce n’est pas aisé, et pas parce que le menu-fixe vaut 50€ par
tête (sans vins, et il en faudra) mais car les places sont rares, très rares
(mais pas trop rares, cela fait partie du plaisir).
Ensuite il y a le bonheur
de la quête quand vous serpentez derrière Beaune et que vous découvrez ces
environs délaissés, puis la joie quand vous avez déniché la porte d’entrée.
C’est la première des
joies, mais sûrement pas la dernière. On s’installe donc dans cette salle à
manger familiale, en n’oubliant pas de passer une tête par la porte de la
cuisine pour saluer le Chef Fred Ménager.
Ensuite, enfin, commence
ce simple moment-épicurien qui restera pourtant gravé certainement
éternellement dans mon esprit et celui de mes complices. Arrivent donc des gougères géantes, de la
taille de la main, qui sont sérieusement croûtées autour et totalement aériennes
et alvéolées au cœur, au goût subtil.
Pour continuer à se mettre en bouche, le Chef arrive avec son caquelon-en-long, plein d’un seul œuf mais lui aussi géant, un œuf d’oie cuit-cuit-confit (vinaigre et fond brun), accompagné de quelques feuilles d’ail noir et de pain grillé. A trois, chacun plonge dans la poêle, et la civilité des convives est mise à rude épreuve…d’où le nom de cette entrée conviviale : l’œuf d’oie à l’assassin.
Nous voici bien installés, on peut croiser les doigts en attendant de voir arriver l’entrée…et là, c’est l’idylle, la surprise est totale et la plus délicieuse qui soit : nous avons le droit à une tentation pour gastronomes, un ragoût de crêtes et rognons de coqs !
Dans un bouillon
poulette légèrement beurré, trône fièrement cette crête gigantesque, venue de
quelques coqs Barbézieux qui gambadaient il y a peu encore dans le champ juste
à côté de la ferme (nous y reviendrons). Ce morceau de bravoure impressionne
par sa taille, son épaisseur, par sa cuisson : il est ferme mais se coupe
quasiment à la fourchette. Il accompagne quelques morilles fraîches presque
décevantes à côté du reste et de superbes asperges sauvages, mais surtout,
surtout, il met en valeur trois rognons blancs prêts à exploser. Les rognons
blancs, pour celles et ceux qui ne le savent pas, ce sont les testicules dudit
coq devant lesquels, une fois n’est pas coutume, nous nous penchons avec
respect.
Tout le bonheur de cette entrée se trouve dans la rareté de ce genre
de proposition, et surtout dans la qualité et la fraîcheur folle de ces
produits. Tout le plaisir se trouve dans la complémentarité évidente des goûts
mais surtout dans la délicatesse et l’extra-ordinaire des textures.
On est déjà touché en
plein cœur et la tête nous tourne avant l’arrivée d’une première volaille que
l’on a fait ajouter au menu. On redescend sur terre instantanément et pour
notre plus grand plaisir en voyant la cocotte bien culotée, avec une belle
pintade entière, qui nous revient 5 minutes plus tard, découpée avec science
pour que l’on n’ait plus qu’à se partager équitablement la bête.
Les chairs de cette volaille sont bien serrées, compactes, elles relâchent à chaque mastication leur lot de sucs et de saveurs. Elles s’accompagnent de radis du jardin et de tiges de moutarde tombées au jus, qui égaient le bec, mais c’est tout à la joie de déguster une telle simple-poule-de-luxe jusqu’au bout des os que nous poursuivons ce repas.
L’intérêt de manger chez
un tel éleveur est de pouvoir faire une sorte de petite « horizontale de
volaille », on prend des cours accélérés et on remplit notre bibliothèque
à souvenirs. On remarquera avec d’autant plus de facilité la différence avec
cette seconde volaille qui nous arrive, une « La Flèche ».
Sa chair est plus juteuse, moins grasse, plus détendue. Le citron éclaire un peu plus le jus et les pommes de terre s’en sont largement nourries également. Comme pour le premier passage, on terminera consciencieusement la cocotte, on effiloche avec les doigts et suçote à même la carcasse pour respecter jusqu’au bout cette belle bête, qui ne sera pas morte pour rien.
Après cela il faut
souffler, non pas que nous soyons repus, de tels produits se mangeant sans faim
et sans fin. Ça tombe bien, on nous apporte quelques fromages qui, même très
bons, forcément, passent bien plus inaperçus.
D’autant plus que le
dessert qui suit est un nouveau monument, tout un travail autour de la rhubarbe
et du sureau, avec du confit, du frais, du meringué, du jus. C’est à
l’équilibre ardent entre sucré et acide et c’est surtout rendu inoubliable par
un subtil beignet de fleurs de sureau que l’on déguste du bout des doigts et
dont on pourrait faire un repas entier tant c’est bon.
Après ce repas, passé en
très bonne compagnie à côté d’une belle tablée de grands vignerons,
suffisamment généreux pour faire passer quelques flacons qui donnent un
supplément de plaisir, on va faire le tour de la ferme avec grand plaisir. On
découvre la couveuse où toutes les petites poulettes prennent des forces
ensemble, on sourit en voyant l’activité épuisante des cochons noirs au gabarit
impressionnant, et surtout, on va faire le tour des enclos à volailles, pour voir
toutes ces races anciennes que l’on a déjà eu la chance de déguster
(souviens-toi de cette « Coucou de Rennes » que j’avais chroniqué
ICI) et celles qui nous restent à découvrir.
Et puis, à regret, vient
le temps du retour (3h30 de route pour notre part mais quand on aime vous savez
ce que l’on fait), et l’on se dit pendant les 24-48h suivantes qu’on a vraiment
vécu un très grand moment chez cet éleveur-paysan-maître de maison, cet homme, artiste
du champ, qui semble être un Chef fondu dans un Métal dont on fait les
délices.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire