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vendredi 10 juin 2016

JY’S Colmar, 2 étoiles pour 1 même état d’esprit !

Ça faisait bien 5 ans que je n’étais pas revenu manger chez Jean-Yves Schillinger, le trublion de la cuisine alsaco-colmarienno-fusion…et je suis heureux de vous annoncer que rien de primordial n’a changé, à part la 2ème étoile.

L’état d’esprit est toujours le même, le Chef est toujours bien en place au feu et au passe, avec un œil sur tout, toujours, et un mot en passant pour beaucoup de ses clients.
Et le plus important c’est que sa cuisine, sa volonté de bousculer quelque peu les habitudes est toujours vivace.







Bien sûr il y a aussi les « frivolités » de notre temps, qu’il est souvent le premier à ramener en Alsace mais que l’on a déjà entraperçues ici ou là, comme cet olivier garni qui démarre le repas. Il est chargé de quelques olives variées elles-mêmes fourrées par un gel d’olive pour un début agréable.


La suite de l’amuse-bouche est tout de même bien plus passionnante avec cette règle plus complexe, qui démarre par un macaron olives vertes et noires un peu discret mais qui fait une bonne transition, ensuite on préfère largement cette délicieuse croquetas de risotto avec une goutte de framboise. La tartelette qui suit est bonne mais trop complexe pour s’en souvenir, après on galère à prendre une bille de pêche qui finit sur la nappe mais on termine par un chou carrément délicieux et tout à fait addictif au poulet-curry.


Pour débuter ce repas à la carte, on m’offre une entrée simplifiée (merci Chef), l’Esturgeon signature, une boîte de caviar vide mais pleine d’un tartare d’esturgeon très précisément fumé, qui repose sur une macédoine de légumes et qui est recouverte d’un espuma de citron jaune. 

Ce plat est beaucoup moins gadget qu’il n’y paraît, tout est dans le dosage et l’originalité n’est pas gratuite. Les légumes dont l’assaisonnement ramène vers la Russie apportent quelque chose et l’espuma est délicieux et vraiment efficace, proche d’une mousseline très aérienne, qui conserve intacte une bonne partie de l’acidité du citron et en adoucit le goût ; le tout accompagne très bien le gras de l’esturgeon, et même sans caviar osciètre (cadeau oblige, c’est compréhensible), c’est très bon et met en appétit.





Il faut dire que j’avais hâte de voir ce qu’était ce poisson mêlant rouget et ris de veau car c’est typiquement le genre d’intitulé et de proposition qui me fait frétiller les papilles d’avance, le reste de la description faite par la maître d’hôtel achève de me convaincre.  Le plat arrive et le rouget est vraiment fabuleux visuellement, respecté dans son intégrité et avec une belle cuisson vu l’exercice. Le ris de veau qui l’escorte est coupé en petites escalopinettes et le jus de betterave/poisson lie le tout. Les cannellonis sont surprenants, très (trop ?) marqués par l’amertume et les brocolettis dont on ne s’est servi que des feuilles ou presque sont difficiles à mâcher. 




On ne retrouve pas trop de la trace des éclats du ris de veau annoncé et de l’anchoïade légère…tant pis. Par contre on vient et on revient sur le poisson, en le mêlant à plus ou moins de ris avec bonheur.  Ce plat est complexe, sur l’amertume, le salin, le terrien, les textures complémentaires.  C’est vraiment bien de proposer ce genre d’association osée, et, pour ma part, j’aurais même aimé que le ris de veau prenne plus de place.


Mais le meilleur est à venir, avec ce plat-cochon incroyablement gourmand ! En voici une ode au cochon noir de Bigorre en mode too-much (l’excès, c’est vraiment le minimum) avec une assiette simple et pourtant imbattable en terme de plaisir. Les cuissons sont fabuleuses de précision, la côte est bien cuite et pourtant rosée au cœur, avec son petit gras qui évite la sécheresse. L’accord avec un gel de yuzu est vraiment très efficace et original et remplace génialement les habituelles déclinaisons d’Espelette.



Le petit oreiller en méga-cromesqui à droite est rempli de pieds de cochon désossés, avec les quelques feuilles sèches et le petit pot de rémoulade font l’effet. Mais le point de fixation du regard et de l’appétit dans cette assiette se trouve en face avec ce morceau de poitrine incroyablement confite, un morceau qui se couperait à la cuillère sans problème, contenant sans doute plus de la moitié de gras et qui, dès posé sur la langue fond en se répandant dans toute la bouche…it’s only d’la gourmandise and we like it ! J’oubliais aussi le jus de cochon concentré que l’on verse sur l’objet du délit et qui aide à rendre ce moment encore plus diabolique. J’en connais beaucoup, vraiment beaucoup qui n’auraient jamais osé en venir à bout, mais vous me connaissez maintenant, comme j’aime, je ne compte pas. 






Encore une fois il fallait oser une telle assiette viandeuse dans un 2macs, ça ne va pas plaire à tout le monde, bref, c’est la signature de la cuisine du JY’S.

Après ça le pré-dessert, à nouveau un peu (trop) gadget est le bienvenu car la gelée de pamplemousse rose à croquer rafraîchit vraiment le palais ; le mojito-fruits rouge à sec qui suit en moins intéressant à mon goût mais toujours bon. 






Et sinon, comme il me restait une once de place (quand on veut, toujours on peut) pour un peu de faux-classicisme, je me suis jeté sur les tapas de la maison, en fait cet arbre bien connu des habitués, rempli de tous les poncifs de la pâtisserie classique. Après une telle orgie ce n’est vraiment pas raisonnable mais peu importe, j’ai adoré la fausse tatin et le feuilleté-vanille, un peu moins le Paris-Brest et le baba mais les œufs à la neige ainsi que la poire Belle-Hélène finissent de nous achever l’envie de se plaindre de quoi que ce soit.






Ce qui est bien, même après 5 ans sans revenir, même avec la seconde étoile, c’est que l’esprit frondeur et farouchement osé (pour la bonne vieille ville de Colmar on s’entend) de la cuisine est conservé. 

Bien sûr j’aurais aimé un peu plus de risque encore sur le poisson et un peu moins de gourmandise sur le plat, mais ça c’est moi (toujours à chercher le goût du meilleur), le plus important est de conserver ce même état d’esprit envers et contre tout, et rien que pour ça, on peut féliciter le Chef Jean-Yves !

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