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jeudi 24 avril 2014

Les 160 ans du Domaine Josmeyer : de la poésie et des vins de gastronomie


Il y a peu, tout ce que l’Alsace compte comme amoureux des vins se sont rejoints à l’habituelle et très courue « journée portes ouvertes » des Josmeyer, à Wintzenheim.
Cette année marquant les 160 ans du fameux Domaine, ce fut une raison supplémentaire pour appuyer sur ce qui porte la famille depuis tant d’année : les accords majeurs entre vins, poésie et gastronomie.



En cette belle journée on nous propose de goûter présent et passé, disséminés en 5 tables foisonnantes de plaisir de la découverte, se partageant entre les vins de l’instant, à peine mis en bouteilles pour certains, mais aussi pas mal de focus sur les cuvées mythiques, déclinées en petites verticales.


Après les salutations d’usage, qui semblent durer toute la journée pour certains mondains-du-vin, pour d’autres on se plonge sur la première table, qui présente les jeunes mises, dont la célèbre « Mise de Printemps », ce pinot blanc, qui, sur le millésime 2013, est déjà en place et qui porte bien son nom. Dans cette série de prime jeunesse, on retient le riesling Kottabe 2012 pour sa belle petite salinité et cette bouche tout en douceur, mais qui garde du caractère. Le riesling Dragon 2012 sera le meilleur vin à ce stade, avec plus d’impact et un final sur une belle acidité.



Ainsi installé, on ne perd pas la main et enchaine sur la deuxième table, la plus passionnantes du lot à mon goût. A celle-ci, deux verticales sur deux des cuvées phares, le « H », un pinot auxerrois planté il y a fort longtemps sur le grand cru Hengst, ainsi que les «Pierrets », riesling signature. De ces descentes, vertigineuses et des plus agréables, on retient le visage évident du Pierrets 2012, un riesling d’un bon maintien avec ses accents de pomelos. On retient également la belle évolution du Pierrets 1995, au nez certes évolué mais qui développe sa belle maturité, et des notes de zeste frais et confits d’agrume et un final vif et acidulé. Mais le vin inoubliable sur cette table, ce sera le H 1986, un magnifique vin au nez tertiaire, mais sérieux, et surtout à la bouche propre, claire, presque primesautière et se jouant des années.



La Table3 sera passionnante également, car elle nous fait descendre les millésimes de riesling grand cru Hengst, de 2012 à 1979. Le plus grand des millésimes en présence semble bien être ce 2010 que je surveille depuis sa sortie. Son nez est un peu en retrait mais la bouche est marquée par une présence, un souffle génial, c’est un vin de puissance, sur l’intense, mais qui n’oublie pas d’être civilisé. J’ai beaucoup apprécié le 1993 également, sur une belle idée de l’évolution, avec un peu de fruit jaune au nez mais beaucoup de franchise et un bel exemple de riesling en bouche. On retient également le 79, avec sa finale de menthe-poivrée et bien saline, et le 2012, pour sa tension électrisante et son idée entêtante de jus de citron de Menton.


Tout ceci finit d’ailleurs de nous mettre en appétit, et on se rend donc dans la superbe salle de dégustation pour s’arrêter sur une des passions familiales, l’accord mets et vins. Pour débuter, on attaque par un hors d’œuvre riche signé par Jean-Philippe Guggenbuhl, avec qui j’aurais le sincère plaisir de passer une bonne partie de l’après-midi. Sa macédoine améliorée et mêlée à de forts rogatons de king crabe fait un démarrage tout en douceur, qui s’équilibre avec un pinot blanc « Les Lutins » 1994 tout en puissance. Ensuite on poursuit avec la terrine de pot-au-feu maison, succès de la famille Meyer, qui s’épuise à vue d’œil, surtout accompagnée par le pinot gris 1994, cuvée du centenaire, ou comment changer mes habitudes avec un vrai pinot gris sec et sérieux en plein. 



Ensuite, on passe à l’assiette de matelote, vue et revue par Olivier Nasti en un exercice dichotomique, entre la version tradi qui se marie bien entendu avec un riesling « les Pierrets » 2002, et une version plus actuelle, qui se conjugue avec la même cuvée, mais sur le millésime 2010. La leçon d’accord semble évidente, le 2002 est plus installé, il se fera mieux avec la fausse simplicité du poisson, le 2010, plus fougueux, servira à dompter ce « feschschnaka » (tous droits réservés ;-)), bien plus puissant en goût. N’oublions pas la joie qui est la nôtre de faire ces constats, et de finir les verres en épongeant joyeusement ces justes sauces. Pour terminer le repas on marie un gewurzt « les Archenets » 2008 avec un peu de gorgonzola de Jacky Quesnot, mais aussi et surtout, on se délecte d’un gâteau léger de Mulhaupt sur le très rare riesling Hengst 2002 en Sélection de Grains Noble. Ou quand la beauté des extraits secs équilibre l’élégance d’un montage de biscuit moelleux et de crème de mangue et autres plaisirs exotiques.




Après tous ces petits et grands plaisirs, on retourne plus difficilement, mais toujours avec soif et appétit, vers les derniers vins présentés. A la table4, on adore le riesling Grand Cru Hengst-Samain 2008 avec ses subtils amers finaux, qui donnent un élan infini au vin. On retiendra également le pinot gris « cuvée du centenaire » 1988, avec son nez toujours marqué par la trace de la cave et la main de la famille, avec cette bouche très belle, fleurie, d’une belle pureté. On trouve avec joie une cuvée de pinot gris aux évocations forestières, avec des notes de noisettes et de truffe : il s’agit du pinot gris grand cru Brand, sur le millésime 1996.


La table5 est celle du gewurztraminer, avec toute l’épice et le côté presque safrané des Folastries 1990, le côté fruits blancs-poivre blanc du Hengst 2010 ; cependant mon vin préféré sera « les Archenets » 1997, typiquement le vin de gastronomie signé Josmeyer, avec son équilibre « tendresse-détermination » et son final superbe.


La dernière table sera celle de la douceur, franche et pesante, sur la purée de fruits jaune et gelée d’hibiscus avec ce pinot gris Sélection de Grains Nobles 2010. La sagesse étant atteinte sur le gewurzt SGN 1986, avec son nez à l’évolution signée et cirée et une bouche tendre et virevoltante, avec ses effets de miel fleuri en gel et ses notes d’essence de bergamote légère, associées à la poire williams bien mûre.


Vous imaginez aisément le plaisir qui fut le notre de fêter dignement ce bel anniversaire et cette famille attachante. Si le côté « gastronomique » de ces vins vous échappe encore après ça, je ne peux que vous conseiller de vous y rendre, pour vous rendre compte par vous-même. Vous verrez aussi que la poésie, dont on ne se rend pas forcément compte à la lecture de ce compte-rendu, se glisse partout où c’est possible ; elle orne les étiquettes des bouteilles et le regard des filles Meyer, elle ponctue la cour et les salles de ces quelques œuvre d’arts évidentes, car tellement naturellement intégrées…à l’image des vins de la maison.  



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