En Alsace, suite à
quelques entêtements de bonnes résolutions, s’est créé il y a quelques mois à
peine « l’Université des Grands
Vins » (dite UGV pour les intimes, à retrouver en lien ICI) ; aujourd’hui, nous
sommes bientôt 350 adhérents : pourquoi, comment ? Cette photo des
mythes dégustés et savourés hier soir, en une communion laïque et néanmoins
passionnelle, a le mérite d’être la meilleure des explications…
Mais il n’y a pas que
l’immense et simple joie de partager d’immenses et grandissimes bouteilles qui
comptent, le but avoué est bien d’éduquer, autant que faire ce peu, l’esprit et
le palais des jeunes et des moins jeunes alsaciens, vignerons comme amateurs,
et de leur ouvrir grand les portes de la perception des grands vins de grands
terroirs.
Mais moi qui ai
participé aux deux dernières sessions, je dois dire que, même si j’ai toujours
eu la curiosité et l’amour d’apprendre, il y a des façons de faire qui me
semble plus adaptées que d’autres. Lors de ces deux sessions, nous avons eu
l’honneur d’avoir devant nous des intervenants gigantesques qui entouraient le
président-élu, Jean-Michel Deiss, homme de belle volonté.
Qu’il est agréable de
goûter l’humilité de ce grand homme qu’est Aubert de Villaine, qu’il est
formidable de déguster chaque mot et les sourires en coin de Jacky
Rigaux ; pour le reste, je pense que le côté « écoutez-moi, je vais
vous apprendre le grand vin » est bien moins pertinent, voire même
contre-productif à moyen terme. De plus je ne vois vraiment pas comment
« l’expression des points de vue de chacun » peut (ou doit) se faire
dans ces conditions.
Pourtant ne ne boudons
pas notre plaisir, pour nous amateurs-professionnels, croiser la bonne parole
de Messieurs Burtschy et Deiss est un moment marquant, comme de croiser certains
vins de la première session, tel ce Sancerre Les Romains 2011 de Vacheron, à la
bouche intense mais au déroulé plein de subtilité ou ce Chambertin Clos de Bèze
92 de Dominique Laurent, à la bouche d’une longueur infernale, salivante,
sanguine, fleurie et lardée en même temps.
Mais c’est plus sur
cette deuxième cession de vins proprement intouchables que nous avons atteint
la perfection, grâce à ce plateau de vins rares (et donc chers) certes, mais
plus encore grâce à ces grands bourguignons à la générosité réjouissante et aux
discours passionnants, clairs et intelligibles de tous.
La qualité du service, de
la salle et du son y a contribué également, mais la clarté et la vision de
Jacky Rigaux font tout, qui plus est agrémentées par la bouche sérieuse, avec
une attaque souple et une descente minérale de ce Meursault-Charmes 2009, et
plus encore par cette première rencontre avec le seigneur Montrachet, de la
maison Prieur, sur le millésime 2006. Un vin au tout premier nez discret, qui
en quelques secondes emplit le verre et notre esprit. Sa robe jaune d’or est la
première des réjouissances, sa bouche tendre et néanmoins altière, chaude et
pourtant intègre est une révélation. Le déroulé de bouche est clair, superbe,
mirabelle, reine claude et délicatesse pâtissière, tapissant sans pesanteur
excessive, et qui nous procure le premier frisson et une grande salivation, dû
plus à la joie de goûter cela qu’aux caractéristiques techniques du vin.
Les regards et verres
qui se croisent, le plus discrètement possible, participent aussi à la réussite
de cette dégustation géo-sensorielle d’hier, mais ce qui l’a rendu inoubliable,
hormis ses vins (et donc ses terroirs) de génie, c’est surtout l’humilité du coproducteur
des vins du Domaine de la Romanée Conti, Monsieur Aubert de Villaine.
Mais il faut l’avouer,
quand j’ai mis la première fois le nez sur l’Echézeaux 2006, j’avoue avoir
retenu une larme ; ce n’était pas ma première rencontre avec un vin de ce
Domaine pluri-séculaire, plutôt la deuxième (souviens-toi ICI), mais la
perfection des fragrances s’échappant de ce verre vaut bien tous les cours et
discours magistraux au monde.
Sa robe était diaphane
et vaporeuse, son nez direct et pourtant si délicat ; la gelée de
groseille et les épices chaudes et douces se présentent en bouche, avec une
précision de nanotechnologie, pourtant principalement et naturellement apportées
par une extrême connaissance et maîtrise du terroir. Des notes de roses
fraîches ressortent d’un nez digne de celui de Cléopâtre, et la bouche se
poursuit, doucement, comme une gangue de velours.
Non pas que le
Romanée-St-Vivant 2002, avec plus de gras et de notes d’évolution, n’ait pas
été apprécié (je vous invite à me châtier si un jour je dis une bêtise
pareille), l’expérience est toujours bonne à prendre, mais il fut tout de même
moins marquant ; malgré ce sentiment de plénitude en bouche et un finale
sur une grande fraîcheur, apporté par une acidité certaine, il m’a moins
bouleversé.
C’était sans doute pour
mieux nous préparer au choc charmant qui nous attendait avec le dernier vin de
cette grande série, un La Tâche 1999. Un vin qui, semble-t’il, n’aura jamais d’âge
tant il est profond, exquis, avec son nez tout en finesse, en prestance, avec
cette subtile touche de bois de réglisse en évocation finale. La bouche, elle,
provoque les derniers et délicieux frissons et exprime à elle-seule cette
notion de texture chère aux gourmets de toutes les époques. Elle est lisible et
pourtant quasi-indescriptible analytiquement, elle est fraîche d’entrée, puis
s’étoffe vite en seconde bouche avant de dévaler en profondeur, sans coup férir ;
si la robe est profonde et sombre, la bouche est profonde et claire, elle
laisse sur notre palais une empreinte d’une classe folle et d’un équilibre
génial.
Rien que pour ce
moment-épicurien de grande valeur (pourtant vendu à peine 50€, sold out en un
rien de temps évidemment), cette « Université des Grands Vins » est
une grande et belle réussite. Je souhaitais le dire haut et fort. Il reste
peut-être à trouver une réelle multiplicité des points de vue , à corriger
certains équilibres, mais on le sait tous, et moi le premier, l’équilibre,
comme la simplicité, dans la vie comme dans les vins, est le but le plus
compliqué à atteindre…ensemble, à force d’abnégation, nous y arriverons !
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