Organiser un repas où l’on prendrait l’entrée en s’attablant
a Beaune, au Benaton, devant ce magnifique tableau en relief - reflet des grands
terroirs alentours - le poursuivre à Arbois, chez Jean-Paul Jeunet, car décidément
pour les viandes il n’y a pas grand-chose de mieux, et le finir, de retour dans
la capitale (de cœur) bourguignonne, au Bissoh c’est possible, il suffit simplement d’avoir l’imagination branché sur les sensations.
Reprenons donc les chemins gourmands et ces voyages immobiles
qui permettent de choisir le meilleur, partout-toujours, tout en
s’affranchissant des contraintes de notre dimension.
On commence à Beaune, par ce restaurant un peu perdu et pourtant
à deux pas du centre, pour un retour au Benaton après presque 5 ans d’absence.
La bonne occasion d’enfin goûter ce plat-signature: « Tête de veau rôtie
grosses langoustines frites au son de moutarde de Mr Fallot, bouillon mousseux
gribiche ».
Rien à redire, on comprend mille fois pourquoi cette entrée
ne bouge pas de la carte depuis toutes ces années, voilà enfin une belle entrée
pour gourmand-gourmet, très justement calibré.
Les langoustines sont très
belles et totalement tatoué (plus que frit) au grain de moutarde, elles ont une
mâche folle, la cuisson est légère, fabuleuse. La tête de veau est
ultra-concentré, sans gras ni gélatine apparente mais tout en gardant son côté
irrésistiblement gourmande. L’accord est canaille au possible et le lien se
fait avec ce bouillon merveilleux pour qui aime la gribiche. Léger, prégnant,
mousseux mais juste un peu, avec des éclats d’œufs et des brisures d’herbes, ce
bouillon donne une dimension incisif et excitant (si besoin était d’en rajouté)
à cette digne entrée signée Bruno Monnoir.
Mais déjà, il convient de s’échapper, faire quelques
centaines de kilomètres en pensée, respirer l’air chargée de saine humidité
dans les reculées.
Car c’est au cœur d’Arbois que nous attend un plat de toute
beauté, où l’on retrouve un veau de lait, qui ne serait pas mort pour rien,
magnifié en deux services.
Le premier est fait de la selle, croûtée aux
trompettes de la mort pour le plaisir, flanquée d’un jus concentré. La viande
est plus rouge que blanche, elle est escortée à droite par quelques palets de
polenta aux mêmes trompettes et à la coppa, à gauche par un cœur de sucrine, la
première et unique fois que je trouve un réel intérêt à ce morceau de salade dont on nous rabat les papilles. Là le cœur est taillé, et longuement confit et cajolé aux jus de la
bête, avec une tuile de feuille à l’huile de truffe…formidable !
Mais quand on pense avoir tout vécu, ce bon-diable jurassien de Jean-Paul Jeunet nous assène un deuxième service d’anthologie, comme une
caresse aux goûts puissants et pourtant maitrisé. Un travail de fou sur les
textures, avec un ris de veau et un peu de tête (du gras pur et fondant), panés
pour rassurer, mais servis rosés. Cette gelée de tête est follement gourmande,
à l’ultime limite du ‘’too much’’ mais elle est bien calmé par une purée très
légèrement truffé. Bref un plat comme on rencontre (quasiment) jamais, sauf sur
les bords de la Cuisance, dans cette bonne cité de Pasteur.
Après ça, il est temps de redescendre sous
terre, dans le semi-caveau de Bissoh à Beaune, pour plus de simplicité, avec un
petit dessert que j’aime particulièrement, et que je n’avais jamais trouvé
aussi bon. Cette crème de sésame noire et gelée de thé vert n’est pas visuelle,
certes, mais en bouche mes amis, c’est passionnant. La texture est marquée dans
le mou, la crème est tremblante, légère et pourtant sérieusement dosée. La
gelée de thé vert ne ressemble à rien
mais elle balance !
Après cela on penserait s’écrouler devant les Hospices, en
espérant que l’on vous recueille en vous grommelant le fameux « vous aimez bien tout ce qui est bon ?….c’est très mauvais ! », mais ce dessert est
de ceux qui vous remette instantanément
sur les rails.
Il finit parfaitement ce diner fantasmé et ce petit séjour
mental dans ma bibliothèque de beaux souvenirs
gastronomiques ; après cela il ne nous reste plus qu’à rêver de Jura, de
Bourgogne, à ces grandes Terres et aux Hommes qui en tirent le meilleur...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire