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mercredi 2 mars 2011

Respirer chez Jeunet

Il est temps d’évoquer cette parenthèse enchantée, seule soirée de liberté depuis le début de l’année, qu’on a choisi de passer à la table de Jean-Paul Jeunet.

Je n’ai jamais caché mon amour pour cette adresse, et tout ceux qui me connaissent bien savent que j’aime à m’y échapper un jour par an pour me faire cajoler les papilles.
Je n’ai jamais fait d’article sur un de ces repas, tout simplement car c’était un des seuls endroits où je me suis refusé à mitrailler, ou à prendre des notes, préférant poser tous mes sens dans la balance, me reposer, profiter des effluves et de l’ambiance.


Cette année j’ai fait un effort pour vous ; malgré une trop longue absence en ces murs, on a choisi un menu simple, en mode « découverte ». Les portions vous sembleront sans doute petite mais sachez que ce menu était environ 20% moins cher que les tarifs habituels, ceci expliquant sans doute cela.

Les portions sont un peu petites donc, mais en saveurs, rien à redire, ce cuisinier fait partie des meilleurs. C’est juste et franc, ça envoi, ça a de la personnalité et du caractère et surtout, ça a du goût, beaucoup de goût.

On commence à l’apéritif par quelques mises en gueule, comme ce cromesqui (foie gras et truffe inside, hummmm), ou ces premiers sablés réhydratés par une crème secrète.
Ensuite on passe à table et on continue de picorer, avec en particulier, un gâteau ris d’veau-cèpes dont on aurait bien re-re-re-goûter encore une fois.



Mais passons au menu en tant que tel et attaquons ce nouveau sablé jurassien, sur lesquels reposent les premières asperges de l’année, venu de Provence pour l’occasion, posées sur un miroir étonnant. Ça parait un peu triste à première vue mais en bouche c’est très bien, le sablé s’effrite grossièrement en bouche, libère quelques éclats de truffes planqués, la gelée fond et enrobe et les asperges nous donnent un joyeux petit coup de printemps.
Voilà qui finalement est bien guilleret et on se surprend à le portionner pour ne pas tout finir en quelques bouchés.


On passe ensuite à quelques Noix de St Jacques, juste snackées, posées sur quelques légumes plus qu’oubliés (capucine tubéreuse il me semble) et sans doute confit dans un sirop de légumes. En deux touches, avec son jus, et surtout ce gnocchi aux trompettes de la mort, il réussit à tirer les Noix sur terre, et à vue de nez, cela a tout pour plaire.



Parlons vin aussi, parce qu’ici on se laisse aller et on peut se permettre de faire une confiance aveugle au sommelier, vieille habitude prise avec Stéphane Planche, que le nouveau (à mes yeux) a totalement comblé. Résultat, une bouteille de Savagnin ouillé du Domaine de Montbourgeau 2001. Un vin d’Etoile, sur la puissance du cépage, mais avec une pureté de bon aloi, qui s’explique par l’ouillage de ce cépage à voile et à grandeur. A l’image de la région, on y retrouve toute la fraîcheur de mois glacés, mais aussi la solidité et la réserve des gens du comté.

On passe ensuite au plat d’existence, avec ce flanc de pigeonneau, posé sur sa rôtie, accompagné du pilon et d’une lichette de tendresse
.
La rôtie, c’est la friandise des viandards et c’est le genre de bouchée qui ne s’oublie pas de si tôt. Ça laisse une trace de vie envolée, de gourmandise déraisonnable et de cadeau de cuisinier en bouche. Ça accompagne aussi tout le plat, de la chair fraîche de l’animal, jusqu’aux légumes-racines qui l’escortent, ça donne du relief, du goût et une touche « dandy-barbare » à un simple plat….j’aime pas, j’adore.


Avec ça on boira un superbe Pinot Noir Louison de Stéphane TISSOT 1999, un vin qui me fait dire que son enfant est parti sur de bons rails. Un vin fin, long, tendre et frais à la fois, qui donne à voir bien plus loin que la région, qui décline mousse de cassis, fougères majestueuses et poivre léger.


On se laisse finir par un empilement de morbier, enserré de gêlée de vin et d’épices, titillé sans cesse par quelques herbes aromatiques pures en guise de salade.




Puis on fait changer le dessert car il m’est impossible de ne pas goûter la vision du moment d’un dessert à la pomme. C’est à nouveau fort plaisant, oh bien sûr, rien d’extravagant, ni d’éblouissant, mais du bienheureux, du lisible et du plaisir à la cuillère, ces billes de fruits, pochés et cachés au fond du verre, comme la quenelle de purée-mi glacée qui trône sur le dessus, tout nous ramène dans le pommier de nos enfances, protégées par les branches, en train de croquer la vie à belles dents couvées par le regard lointain et rassurant de nos aïeux….


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