Sans tout vous révéler
dès la première ligne, sorti de ce grand moment-épicurien, me vient une
question : mais pourquoi diable n’étais-je pas retourné à cette table
depuis 5-7 ans ??
Bien sûr il y a toujours de bonnes raisons, sur lesquelles on reviendra à la fin, mais comme les grandes faims justifient les grands moyens, je suis allé « taster pour vous » la cuisine très personnelle et pour le coup automnale de ce chef qui, finalement, nous surprendra toujours.
Bien sûr il y a toujours de bonnes raisons, sur lesquelles on reviendra à la fin, mais comme les grandes faims justifient les grands moyens, je suis allé « taster pour vous » la cuisine très personnelle et pour le coup automnale de ce chef qui, finalement, nous surprendra toujours.
On arrive donc, presque courbé, dans cette salle toute de rouge revêtue (d’où les photos aux reflets rouge-orangés, ‘scusez-moi), dont les volumes, tellement « bas-d’plafond » compensent les envolées de haute altitude de Jean-Luc Brendel.
Dès l’amuse-bouche, le
premier, on est dedans et on sait qu’on va se régaler. Une purée de coco de Paimpol
posée sur la roche brut et saupoudrée par des graines torréfiées qui donnent un
côté craquant-moutardé au tout. Piquées dans la crème, des feuilles de légumes,
plus fines que des OCB, translucides et néanmoins transmettant le goût exact
qui du radis noir, qui d’un chou ou d’une courgette.
Ensuite, et avant
l’arrivée du menu, on vous déposera encore deux autres attentions, une plus simplette
: mousse de potiron posée sur une essence de crustacés, primitive et efficace,
l’autre plus formidable, une portion d’anguille fumée posée sur un crémeux de chou-fleur,
baignant dans un jus de wasabi et adoucie par des raisins type Corinthe…un
amuse-bouche superbe, déjà digne des meilleurs tables de la région.
Mais il est grand temps,
et on est presque impatient de commencer le menu, alors on se jette sur
l’entrée, conçue autour de quelques nouilles de potiron, tendres et en même
temps croquantes, sans doute flash-cuites, sur lesquelles se reposent trois de
ces fameuses gambas rouges et géniales, venues apparemment des abords de la
Sicile (faute de San Rémo).
Si elles sont très petites, elles n’en demeurent pas moins formidables en goût et respectées par une belle cuisson. Les graines torréfiées, que le chef semble beaucoup apprécier, apportent une autre façon de croquer sous la dent. Le gnocchi-citrouille est moins ferme qu’attendu mais ce plat quasi-monochromique vibre par ses assaisonnements, dont des jus concentrés d’agrumes et de potiron qui entourent le cœur de l’assiette, des jus tellement réduits et puissants qu’ils excitent plus l’appétit qu’autre chose.
Si elles sont très petites, elles n’en demeurent pas moins formidables en goût et respectées par une belle cuisson. Les graines torréfiées, que le chef semble beaucoup apprécier, apportent une autre façon de croquer sous la dent. Le gnocchi-citrouille est moins ferme qu’attendu mais ce plat quasi-monochromique vibre par ses assaisonnements, dont des jus concentrés d’agrumes et de potiron qui entourent le cœur de l’assiette, des jus tellement réduits et puissants qu’ils excitent plus l’appétit qu’autre chose.
Et cela tombe bien, car
le menu est plein de découvertes, même pour ceux qui adorent et pratiquent le
champignon-gastronomique depuis des années chez Marcon, Jeunet et d’autres
sommités…Attention, le plat qui suit réussit à ne pas rougir de ces
comparaisons…c’est un signe qui ne trompe pas et pourrait attirer la deuxième
étoile.
Les cèpes sont tous plus
ou moins secs, certains « à la brutale », d’autres à peine
mouillés par l’eau de cèpe que l’on verse à la dernière minute sur le mélange.
La quenelle cacao-chicorée est un oreiller discret sur lequel se reposent et
rebondissent ces arômes forestiers. La tranche de foie est là pour apporter son gras en contrepoint et
une autre dimension, mais ce qui tient l’assiette, ce sont vraiment ces éclats
de champignons, plus ou moins larges et épais, en confiture ou en poudre, le
peu de poire n’apportant qu’une très légère caresse fruitée. Quel plat,
impeccablement installé dans l’air du temps et de la saison.
Après cela et avant la suite, il nous faudra redescendre sur ter…roir, vous parler du, puis des vins appréciés sur ce repas. On débuta raisonnablement par une coupe de crémant, un « Albert Mann Millésimé » pour l’occasion, puis on choisit encore région et on part sur une bouteille d’un autre vibrion, Jean-Michel Deiss et son Grasberg 2010. Ce sacré vin, d’un millésime sacré, fera merveille avec beaucoup de plats, surtout le dernier amuse-bouche, la première entrée sur la citrouille et le premier dessert sur la mûre où l’on touche du doigt le bonheur pur.
Mais tout à coup,
apparaît sur la table un verre de blanc en plus, offert par un voisin des
tables d’à-côté…superbe attention….et plus encore quand, sur un coup de génie
(qui a parlé de chance…je veux les noms) je dis très rapidement :
« si c’est bien du Rhône, ça doit être Rayas 2004 » (que j’avais vu à
la carte). Devant l’incrédulité et le regard sidéré de la sommelière, j’ai
compris que j’avais visé juste….Quelle surprise, merci beaucoup à ThomasM, car
ce vin, même s’il fut très-trop discret, voire timide pour son rang et son
prix, fit un accord fabuleux avec ce qui suit.
Du bar aux algues, avec
de l’eau saline, on a déjà vu aussi, mais là, la cuisson-non-cuisson du poisson
est encore plus juste. A peine caressé par la chaleur, il se pose au milieu de
l’assiette et révèle une peau tellement irisée qu’on se demande s’il ne sort
pas à peine de la mer la plus proche et qu’il est venu en Concorde, remis en
vol pour l’occasion. L’eau de Kombu, ces algues japonisantes, apporte pas mal
de salinité, le mélange d’algues dans l’assiette en ressort plus discret,
apportant plus de sensation que de « goût ». Le reste des algues, celles
grillées sur la peau, est agréablement collant sous la dent et accompagne de ce
fait, tout le plat. Pour finir, on mêle, du bout du couteau, la crème crue et
acidulée aux restes de l’eau et on se régale sérieusement de ce jus terre-mer, doux, acidulé et salin.
Puis vient la viande,
une assiette assez gourmande pour véritablement l’apprécier à sa juste valeur.
Ce pôôvre petit cochon de lait alsacien est décliné comme il se doit : il
est cuit laqué, avec un laquage patient, fait de mille épices, dont sans doute
le galanga, le gingembre et le kombawa. Ce laquage se fond dans les chairs et
déplace le curseur et la viande vers l’Asie, mais les autres composantes de
l’assiette nous ramènent dans l’Hexagone, avec un peu de boudin noir et des
virgules de coing qui égaient encore la dégustation. Le jus, profond et
puissant, où tout se mêle, fait aussi partie du décor en bouche. Ce plat se
mariera avec et transformera pour l’occasion un digne pinot noir alsacien, lui
donnant un côté orange sanguine assez étonnant.
Après ces quelques folies,
vient le temps du sucré, on commencera par une quenelle d’un génial sorbet à la
mûre bien mûre. Tout ceci est beaucoup plus simple mais personne ne s’en
plaindra, les grands écarts, ça peu fatiguer aussi au bout d’un moment.
Elle est accompagnée tout de même d’un gel géranium-citron étonnant, car ses
arômes ne se révèlent que 3 secondes après l’avoir mangée. Encore une surprise,
tout comme la meringue noire, mais ce pré-dessert est si évident,
tellement direct qu’on le remarque peu.
Le dessert passera
encore un peu plus inaperçu dans cette suite ininterrompue de jolies choses,
mais il est tout de même nécessaire et fort agréable. Il est constitué de quelques
quartiers de pommes reinettes, confites en plein mais très légères, encore
allégées par un lait foisonné à la fleur d’oranger et quelques dernières algues
japonisantes inconnues au bataillon (Matsubadaki) et ravivées par les dernières
cristallines du repas, de la pomme, que je name-drop « à la Michel Trama », même et
surtout car cela n’est pas cité sur place.
Bon, arrivé à ces
extrémités et au bout de ce récit, vous ne douterez plus de la grande urgence
qu’il y a revenir ici de temps à autre pour profiter de ce menu et de cette
cuisine car tout cela est de très très bonne facture et d’un bon rapport
qualité/prix/plaisir (72€ c’est un prix, mais pour ce menu de saison, c’est
presque un cadeau).
J’avais dû faire 3-4
repas à cette table, en 5 ans et avant 2007, depuis je ne sais pas pourquoi je
n’étais pas revenu ; en me plongeant dans mes souvenirs, c’était, je le
crois, parce que je considérais avoir « compris » la patte du chef,
que je pensais en avoir fait le tour, mais force est de constater qu’il me surprend
encore. Bien sûr, certaines astuces et produits marquants sont déjà vus
ailleurs, mais pour ceux qui ne courent pas toutes les tables de France, ils
peuvent passer par celle-ci pour goûter
une cuisine très actuelle, assez personnelle et originale, surtout dans notre région.
Et comme en plus le service ne manque pas de faconde et d’attention, que l’on y sert au verre les meilleurs domaines d’Alsace tout au long de l’année, je ne peux que vous pousser à y faire un repas, dès que possible.
(Sauf peut-être pendant
le marché de Noël, petit conseil épicurien en passant).
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