Dans cette île baignée de fort soleil et de grandes chaleurs, les (meilleurs) blancs trouvent
sans peine de la fraîcheur, les (meilleurs) rosés sont facilement moins plats qu’ailleurs et
les (meilleurs) rouges développent, comme si de rien n’était, un équilibre puissance-acidité
tout bonnement formidable.
La corse du vin on ne la goûte que trop rarement sur le continent, j'en ai donc
goûté un maximum de sérieux, le plus sereinement du monde et j’ai également
rencontré les Arena, à mon grand bonheur !
Plus sérieusement, si le dernier nommé et Yves Leccia font partie de notre paysage depuis pas mal d’années et d’incessants passages d’amis sur l’île, je ne m’étais jamais arrêté plus globalement sur les vins de la région, c’est désormais chose faite.
Les vignes, on a d’abord commencé par les chercher, en se demandant si comme pour le cochon Nustrale, on nous aurait menti, mais non. Au cœur de la Balagne, au détour de la fameuse D71 des cîmes, en vous éloignant du peuple moutonnant, on découvre l’appellation Calvi et ses quelques parcelles camouflées.
On goûte alors un vin rouge du Domaine Alzipratu, la cuvée Fiume seccu 2010, un vin très tendu, où la réglisse et les herbes aromatiques ont la part belle. Il y a du gras et du froid dans ce verre et on comprend vite que c’est déjà un premier exploit quand on a vécu quelques temps dans ces terres où culminent les chaleurs et le manque d’air.
Mais c’est surtout par ces facilités que l’on juge d’une région, et quand on boit certains rosés, on est en mesure de se demander si cette région ne damne pas (facilement) le pion à nos Côtes-de-Provence.
Une preuve à Calvi: la production de Marina Aquaviva, du domaine A Ronca, avec des rosés 2011 fins et colorés, superbement équilibrés avec un fruit fuyant devant une légère salinité, tout ça dans un rosé !
Plus on file au sud, plus on pourra se régaler de ceux du Domaine Comte Abbatucci (appellation Ajaccio), déjà plus vigoureux, ou du plaisir immédiat et jamais ennuyeux du Domaine Fiumicicoli (appellation Sartène), le partenaire joyeux d’une bonne partie de mes vacances. (Merci à Christophe Talon, caviste à l'Ile Rousse, Aux Vents d'Anges, pour son défrichage des plus efficaces et passionnés).
C’est en appellation Figari et au fameux Clos Canarelli qu’on retrouve le très haut niveau, son rosé étant surprenant de matière et de tenue. Autant le dire de suite, je ne me rappelle pas avoir déjà bu un rosé aussi complet de ma vie de goûteur. La première impression est réellement la surprise, puis une réaction suit : un grand sourire, la Corse invente le vrai rosé de gastronomie, avec ce qu’il faut de sérieux et de corps pour l’exercice, mais aussi un fruité qui amène au plaisir.
Vite conquis par cette bouteille, on va voir plus loin s’ils sont toujours là, et avec leur rouge 2010 élevé en amphore, on a vu. Le vin, qui accompagna ce magnifique morceau de cochon sauvage (évoqué ICI) a le pedigree de son lieu de naissance (tenu, notes fruitées et végétales presque sauvage) et un touché de bouche audacieux, avec une entrée douce et une matière et une puissance qui grandit petit à petit pour finir en trombe, presque un peu trop pour l’instant à mon goût.
Finissons par les premiers, en appellation Patrimonio comme dans toute la Corse, c’est sans conteste la famille Arena qui fait le plus rayonner son île en dehors de ses frontières. Après être parti à l’assaut des vignes de Carco avec Antoine-Marie, on est plus exactement pareil, écrasé par la puissance des paysages, l’esprit imbibé par la beauté de ces calcaires majuscules.
On comprend mieux ensuite pourquoi les blancs sont ici aussi grand, pourquoi les Vermentino, mais surtout les Biancu Gentile répondent parfaitement à ces sols récupérés à la force de la volonté et des rêves.
Goûtez ceux d’autres maisons, revenez-y, vous verrez. Chez Arena les blancs sont complets, pleins (2011 ne déroge pas à la règle), ils font deux à trois fois la taille de ceux des confrères et pourtant ils ne dénotent pas, est-ce ça la juste représentation du terroir ?
On finira par causer et goûter rouge aussi, en cépage Niellucio, une petite bataille de 2010 en bouteille entre Grotte di Sole et Carco : le premier est inoubliable pour un rouge sudiste, avec du fruit direct mais surtout une des plus belles acidités jamais intégrée dans un rouge de soleil ; le second est encore en phase de polissage, il est plus masculin à mon goût mais très joli aussi.
On continu par goûter des jus en cours d’élevage et là, c’est presque pire encore, on passe sur les 2011 en devenir, déjà presque prêt et qui, étrangement, le sont dans l’ordre inverse de la bouteille (avec carco 2011 plus fondu que grotte di sole à mon goût).
On continue de finir par un dernier 2011 en cuve, la peut-être future nouvelle cuvée « zéro-nothing-niet, rien de plus à ajouter », qui était d’une pureté digne des plus mythiques Bourgognes (et je pèse mes mots), l’artifice en moins....
C’est ça la Corse, on vient pour comprendre l’immensité des blancs et on se prend les beaux rouges en pleine face, on pensait en boire un car on en avait marre des rosés avant de les goûter ici et d'y revenir.
On espérait pouvoir passer une heure avec de grands vignerons et on est invité à y rester 4h dans la famille (un grand merci à eux et à Pascal si vous me lisez), à parler de vin et de rien, à finir par un 2007 en Vermentino sec et un 1998 liquoreux en version-rancio, qui a poussé dehors, à l’air libre et pur de cette île à nulle autre pareille.
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