Cela fait des années que
je ne cesse de vous vanter ces formules magiques alsaciennes, qui permettent,
pour les moins de 35 ans, de taster
les meilleurs tables de la région pour plus ou moins la moitié du prix, en tout
cas, pour un prix fixe et sans surprises (69-89-100€ par tête).
Je vais ici vous
présenter quelques-unes de ces belles tables, en quelques plats dégustés en
début d’année 2013, lors de la dernière session, du sud au nord de la région.
On commencera par des
adresses méconnues de la jeunesse, marquées par le classicisme et une certaine
simplicité, comme à l’Arbre Vert de Berrwiller, où j’ai dégusté un joli faon de biche, flanqué de choux rouge
confit et d’un griespflutta aux champignons. La viande, prise dans le filet,
est d’une cuisson parfaite, bien rôtie et grillée avec une pointe de miel ;
elle est souple et garde en même temps sa tenue, son caractère.
Le choux rouge est un aimable partenaire, mais c’est sur le griespflutta,
ce gâteau de semoule à l’alsacienne – presque comme le faisaient les quatre
générations de femmes qui ont précédé le chef aux fourneaux - que le bonheur se
fait complet. La part est belle, surmontée d’un mélange cèpes-shiitaké-pieds de
mouton, qui joue de la même texture et apporte du goût au moelleux.
On en profite également pour aller goûter la nouvelle décoration du Cheval
Blanc à Westhalten et de belles noix de saint Jacques évidentes, tout en
épaisseur et parfaitement cuites, posées et escortées d’un petit peu de navet
pour l’équilibre et de beaucoup de sauce vierge pour le plaisir.
Il est rassurant et éminemment réjouissant de retrouver une cuisson et une
présentation « normales » pour ces célèbres coquilles, quelques fois
détournées par ailleurs. On retrouve là tout le plaisir de couper au cœur de la
noix, d’en constater la nacre et de tremper cela dans la belle huile d’olive
compilée aux sucs de cuisson. On y ajoute une touche de soleil avec ces olives confites
et ces quelques légumes méditerranéens et puis, pour revenir dans la
saison, on retrouve une purée de navet très douce et légère.
Pour les amateurs de ce divin coquillage et de traditionalisme, vous
pourrez vous rendre aussi à la Nouvelle Auberge de Wihr-au-Val. L’an passé, j’y
ai découvert un des plats les plus « madeleine de Proust » de ce
Chef. En effet, sa maman avait l’habitude de les mêler à des champignons dans
sa jeunesse bretonne, et il a toujours pris un grand plaisir à faire découvrir
cet accord étonnant à ses clients. Les noix sont très épaisses, cuites
légèrement, recouvertes de lamelles et entourées d’une espuma de truffes noires
bien crémée.
Mais c’est en-dessous de tout cela que se cache l’hommage maternel, avec
ces petits cubes de champignons de Paris, tellement frais et bien cuits que
l’on trouve cela largement aussi bon que du cèpe hors-saison.
Ensuite, pour le rituel et parce que c’est la table que j’ai le plus
fréquenté au fil des années, je vous conseille de vous rendre au Maximilien, à
Zellenberg et peut-être que vous pourrez vous frotter, comme moi l’an dernier,
à son homard en fricassée.
Le homard se dissimule dans un capuccino butternut/marrons et un mélange de
mystère que l’on découvre au fur et à mesure que la cuillère plonge.
C’est simple, chaque bouchée ou presque nous révèle un nouveau pan qui
complète le précédent, on attaque par la truffe de bourgogne et les girolles
qui font comme une signature forestière à la pince. Avec la queue, plus ferme,
on croque dans quelques cubes de cette courge musquée. On se délecte du jus,
puis l’on va plus profond encore, découvrir l’esprit du Berawecka.
Ce qui pourrait emporter le plat et la finesse du produit est une nouvelle
fois formidablement maîtrisé, amenant ce qu’il faut de gourmandise, un trait
d’agrumes et une once de fruits secs et confits. Ajoutez à cela les derniers
oignons de mai qui baignent au fond et se nourrissent de tous ces sucs et vous
obtiendrez un plat parfaitement entier, plein de mille et un secrets.
Et si l’envie d’une cuisine plus originale et, pour tout dire, joyeusement
mais justement délurée, vous vient, je vous conseille très fortement de monter
la route de La Vancelle et de vous rendre au Frankenbourg. Vous n’êtes pas à
l’abri de tomber sur une petite folie comme ce filet de maquereau découvert en
mars dernier.
Mariné une nuit, à peine cuit et servi avec toute
une palette de condiments. Chaque bouchée peut ainsi différer, mais on tente la
première sans rien et on est étonné par le côté rustique du poisson. En fait,
le côté gastronomique est vraiment apporté par tous ces condiments : du
croquant du concombre-radis en salpicon sur le dessus, du fruité de la poudre
de carotte et de la framboise déshydratée à droite et du terre/mer avec un beau
jus de veau à gauche, sans oublier le plaisir intense apporté par ces câpres
frits.
Mon dernier conseil, pour les amateurs d’excellence et de table fraîche, je
vous pousserai bien sur la route de Gundershoffen, pour manger la cuisine des
jeunes repreneurs et se délecter d’une canette mise à l’honneur, en filet et en
une douce et longue cuisson.
Les morceaux ont été croûtés aux noisettes et aux cacahuètes mais cela
n’est pas trop présent, laissant toute sa place au goût de la viande. Elle est
accompagnée d’un panais en tronçon, empli d’un mélange de carottes multicolore
et de quelques petits secrets, comme cette très discrète mangue, qui ne dit pas
son nom, mais qui donne un côté très légèrement fruité aux légumes.
A côté de cela, on vous pose encore une grosse
frite de polenta, et l’on verse sur la viande, au dernier moment, un jus épais
et gourmand, sans trop d’animalité. Le reste de la dégustation se fera sous
forme de jeu constant entre la viande et les légumes, que l’on trempe dans la
sauce ou non. Pour casser le rythme, on se recentre sur la polenta, très
gourmande et enrichie au maïs pour donner encore un peu plus de douceur. Seule
ou avec la sauce, cela suffit amplement à notre bonheur.
Ca y est, j’espère que
vous savez désormais où aller succomber à la tentation, personnellement je suis
passé à d’autres choses, trop « vieux » pour en croquer, mais je ne
cesserai de répéter que dans mes ardentes années, la formule jeunes m’a permis d’aller à la découverte de mon goût, et d’en profiter pour inviter une
chérie ou un ami, sans le stress d’une folle
addition finale à variation multiple.
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