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lundi 14 septembre 2015

L’Alchémille à Kaysersberg, la jeune table nature, déjà presque mature !

C’est la première table qui (re)fait frétiller les papilles autour de KB, en attendant la fin de l’année et une autre belle arrivée annoncé dans le quartier. C’est surtout une des tables dont on cause dans cette vallée obnubilée par la verte nature alentour, et elle est pile dans le bon registre.




Dès l’arrivée dans cette salle simple et brute, sans ostentation aucune mais décorée avec (bon) goût par quelques simples produits du jour et un billot tanné par les années,  on se sent bien, la route nationale qui passe à quelques mètres s’éloigne heureusement assez rapidement.

Puis avec une bonne bière blanche pression et deux stickers feuilletés au pavot à tremper dans un tendre caviar d’aubergines-huile de noix-fleurs de menthe, on s’installe.
La grande feuille de capucine au-dessous nous propulse une première fois dans le créneau du chef : ça picote, ça chatouille et ça révèle un goût assez évident de radis.  



Quand le véritable amuse-bouche est posé devant nous, on entre encore plus en compréhension avec ce que souhaite nous proposer le chef Jérôme Jaeglé dans son antre-nature. Vous avez là une coupelle brûlante, dans laquelle trône une mousse chaude de pomme de terre à l’insipidité recherchée, à la texture authentique, sérieusement réveillée par une tombée d’oxalys qui apporte une douce piqûre végétale.





Le menu, on peut le choisir, pour ma part j’ai choisi de ne rien choisir, de faire confiance totale au service, j’aurai donc un nombre certain de plats en pitite portion.


J’ai débuté ce jour par un pressé de tomates et courgettes au montage déjà délicieux à regarder. En bouche c’est mieux encore, un poil moins froid ça serait vraiment parfait. La tomate Rose de Berne est confite et tenue, retenue et posée sur un socle de courgettes duement marinées, juste souligné par le thym et amusé par une neige-granité de concombre à ses côtés. Le petit brin d’aneth, qui souvent ne sert à rien, apporte ici une nouvelle sensation anisée sur une des bouchées, les bulles de balsamique reboostées finissent de compléter l’assiette.




La suite c’est une raviole ouverte que le chef proposait dans le menu du déjeuner et qu’il voulait me faire goûter (moi, quand je peux faire plaisir, vous me connaissez)….bonne idée !!

Cette raviole bicolore (blanc immaculé dessus, vert de vie dessous) cache un mélange de croquant et de vert, avec des petits morceaux de haricots et d'échalote, de persil, de sauge et d’oseille, de vert de poireaux taillée fins et au cordeau, comme les dés de jambon fumé qui parachève l’idée. Seule la vinaigrette annoncée à la chlorophylle ne ressort pas beaucoup de cette assiette simplette mais véritablement réjouissante pour les papilles.



A la suite arrive le poisson des environs, un omble chevalier d’Orbey à la cuisson passionnante pour un plat qui, par contre, est celui qui m’a le moins touché. Pourtant la qualité du poisson est indéniable, mais j’ai moins été marqué par le ragoût de blette (très doux néanmoins) et la purée d’artichaut (trop doux à mon goût pour le coup). Par contre la cuisson est franchement formidable, le poisson est tranché serré-serré, du coup la chaleur passe partout. Le socle du filet est bien pris par la chaleur, la peau est grillé et agréable à souhait, presque de l’ordre du bonbon  au poisson, le cœur du filet est lui rosé presque directement sous la peau…c'est technique, c'est beau.



Le plat suivant, celui de viande, est par contre une petite révélation. Non pas pour le plaisir que l’on retrouve dans ce digne morceau qu’est la selle d’agneau, ni même dans le bonheur qui est de déguster le serpolet des prés d’à côté. Non, c’est le tout qui est fabuleusement agréable. Si l’olfaction est déjà fort agréable, c’est la cuisson qui change tout…quelle maîtrise dans la notion de cuit-cru. Bien sûr c’est cuit, mais c’est tellement rosé au cœur et autour, la chair est tellement relâchée qu’elle en renforce la mâche d’autant, en conservant la candeur virginale de la viande, sans rien gâcher de son goût. Sacré tour de force. La farce au serpolet qui surplombe ce petit morceau de bravoure est des plus légère et équilibrée, la pomme de terre fait de la figuration et le lissé  de courgette accompagne un peu plus, mais cette viande et sa cuisson se suffit largement à elle-même.




Après toute ces évidences et ces révélations, le moment-fromage est une nouvelle surprise, pour une table ouverte depuis moins d’un mois lors de ma venue, pour un chef qui, finalement, n’ouvre là que sa première affaire (malgré un parcours bien plus chargé), il est sacrément en place.
Au fond il y a un sablé au Barkass, dessus un espuma au poivre blanc de Penja, puis d’épais copeaux de Barkass à l’ail des ours. Tout ceci est déjà très appétissant, mais l’ajout d’un rare poivre noir de Penja, dont le chef se partage en exclu la production avec le grand Olivier Roellinger, parachève le tout. Ce fromage cuisiné est un des meilleurs que j’ai mangés ces dernières années. Cet effet lactique-pique-pique est assez bluffant et tout se met à parler d’une seule voix, malgré les dissensions.






Après ces deux derniers plats il faut redescendre sur terre, au bord des chemins, et pour cela, le pré-dessert sert.
Les mirabelles pochées sont bonnes mais pas formidablement goûteuses (la faute a un millésime difficile pour ce fruit chez nous), elles nagent dans un jus réjouissant et sont accompagnées d’une glace au foin très juste en goût. Les fleurs qui sont celles de Molène (ou de bouillon blanc pour les locaux) font tout sauf de la décoration, penchez-vous dessus et humez ce petit bout de paradis, cette fleur au nez fabuleux est un véritable cadeau de la part d'un chef-cueilleur. 





Le dessert officiel est au chocolat et néanmoins très (trop ?) équilibré. Les billes de chocolat sont prises dans une fine couche de gelée de reine des prés, et posées sur un crumble sec au sésame et à la bergamote, pour faire une « tarte » des plus originales. Le chocolat est néanmoins trop léger pour moi, mais le crumble est vraiment plaisant.

Bon pour tout vous dire, je connais le chef depuis longtemps, et pour être tout à fait honnête, celui-ci s’est installé dans ce qui était la maison familiale (une pensée pour René) de celui qui est certainement un de mes tous meilleurs amis.  C’est donc peu de dire que j’étais déjà ravi de venir avant même de passer la porte. Eh bien, il a réussi tout de même à me surprendre, si un plat m’a moins emballé, si certains plats étaient vraiment ultraagréables, l’un ou l’autre, comme cette viande et ce fromage sont vraiment bluffants de maturité. La naturalité annoncée étant respectée, avant je l’espère d’être encore plus renforcée, cette nouvelle table a vraiment le bon goût de tenir ses promesses.


Longue vie aux tables et aux chefs qui sortent de l’ordinaire ! 

4 commentaires:

Unknown a dit…

Bonjour Antoine !

Laurent Arbeit m'avait recommandé cette adresse que j'ai prévu d'aller visiter dans les prochaines semaines pour mon blog mais à vous lire j'ai l'impression qu'il vaut mieux encore attendre un peu, le temps de quelques réglages? La cuisine semble très épurée,trop si on lit entre les lignes?

Au plaisir de vous lire ou de partager une bonne adresse...

Christophe

Antoine MANTZER a dit…

Bonjour Christophe,

Vous pouvez y aller quand vous le souhaitez, c'est déjà une cuisine vraiment très intéressante en l'état, elle a le bon goût de ne pas être un copier-coller (+/- quelques détails) de tout ce que l'on trouve chez les voisins.

C'est très épuré oui, mais pas trop, et je pense que c'est le style du chef ; ce n'est pas de grosses portions non plus mais ça il n'est pas le seul a pratiqué, loin de là.

Par contre, pour une création et une table ouverte depuis à peine un mois, je trouve ça franchement très bien déjà, et en rapport avec l'addition.
Bien sûr cela devrait sans doute s'améliorer avec les services mais à votre place j'irais en octobre ou début novembre encore, avant les marchés de noël, ou alors attendez le début d'année, vers la fin de l'hiver.

A la prochaine
AntoineM

Unknown a dit…

Bonjour,

testé et approuvé samedi soir !

Sympathique restaurant découvert grâce à votre blog, sympathique blog découvert grâce à mon cher collègue Bastien que je salue ici :)

Antoine MANTZER a dit…

Bonjour Steve,

Ravi d'avoir décidé un contemporain de plus d'aller chercher les plaisirs véritables, sur la bonne table.

Faites-vous plaisir,

AntoineM

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