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mercredi 18 février 2015

Chapeau bas pour ce magnifique Menu libre signé M.William Frachot !

Lors d’un détour heureux de fin d’année dernière, j’ai enfin eu le temps - et les moyens - de m’arrêter quelques heures dans les infréquentables venelles dijonnaises, goûter à la cuisine de celui que j’avais repéré depuis une petite dizaine d’années, aujourd’hui 2zétoilesmichelin : le Chef William Frachot !

J’ai mis du temps à vous en faire le récit – beaucoup de travail en ce moment, merci à vous mes clients, car sans vous, moins de liberté pour moi – mais vous allez voir que ça valait le coup d’attendre : quel magnifique menu, quelle belle cuisine qui, excitant les papilles et cajolant l’appétit, va droit au cœur.




On débute par l’amuse-bouche qui va bien, un pied et demi dans la région, le reste dans la précision. On goûte alors à la douceur vineuse d’une tartelette-meurette à l’œuf de caille, on croque dans un cromesqui de jambon persillé tiède, un peu sec mais bien senti, puis on retourne à la tartelette avec des escargots, bien sans plus, avant de finir sur une tartinette d’une rillette de lapin-moutarde en grain, agréable et suave.  Ceux qui suivent de près l’actualité gastronomique de notre pays connaissent cette série en place depuis (trop ?) longtemps.


Heureusement vient, tout de suite après, la première inspiration du moment, une vraie, une qui vous sort de vos habitudes dans l’instant. La dernière mise en bouche est déjà un petit monument, avec des tripes et du calamar dedans !! Ce rouleau est petit mais énorme, avec du gras et du frais, du frit et du froid et cette texture du calamar qui apporte la mâche et qui développe les saveurs. Le jus de poisson réchauffe le tout et le ramène vers la mer, dont le sel nous met en appétit.


Commence alors le « menu signature » que j’ai demandé le plus libre possible, faisant ôter le fromage pour rajouter un demi-plat, mais sans rien « imposer », histoire de goûter le plus possible à l’esprit du chef, chef qui lit dans mes pensées avec cette première entrée…chaude, s’il vous plaît. 

En fin novembre-début décembre comme en ce moment, quoi de mieux que de réchauffer l’atmosphère directement avec ce sublime ris de veau truffé.  C’est une attention remarquable de commencer par cette petite pommette parfaite de ris, tendre, chapelurée de brioche grillée, posée sur une purée tout en finesse et en goût de topinambour, elle-même poussée vers le fruité par le kalamansi, confit pour l’occasion.  Le jus de « côte de veau très grillée » (appellation compliqué mais exercice joyeux s’il en est) ramène le tout vers le principal : procurer un plaisir immense au client. A noter que le cœur du ris est sérieusement truffé, avec de vrais morceaux de plusieurs grammes qui infusent à l’intérieur du ris…génial ! Tellement que je ne l’ai pas pris en photo.






Le plus compliqué quand, on commence un menu à ce niveau, est de poursuivre le crescendo. Le second plat, à priori une autre « simplicité », touche à nouveau au cœur. Des ravioles comme celles-ci, je n’en avais jamais mangé d’aussi bonnes. 

C’est simple pourtant le bonheur, une pâte (infaisable à la maison : équilibre entre élasticité-humidité et finesse) qui enferme une mélange St-Jacques/foie gras cru. Fondant mou et fondant ferme. Le tout est posé sur quelques feuilles d’épinards tombées au jus. On voit bien que cette cuisine est faite bien plus pour le client que pour la gloire, pour lui donner du plaisir plus que de l’importance. Elles sont majestueuses en bouche, ces ravioles, même si le bouillon mousseux et les éclats de truffes ne servent à rien. 




Ensuite nous continuons à remonter en température, avec des lichettes de bar cru qui nous arrivent, posées sur ces assiettes trouées pour prestidigitateurs culinaires. Sur ce bar translucide, on nous verse un bouillon de coquillages et de shiso pour les cuire quelques secondes comptées et laisser le bouillon s’échapper on ne sait où (mais on se doute).  

Le poisson cru-chaud est superbe, boosté par une coque pour le marin et par un peu de citron-caviar (rouge celui-ci), pour faire vibrer la bouche. Une fois cela (vite) fini, on vient nous soulever le socle qui coupe l’assiette en deux et, sous la partie visible, se cache un dos de bar qui repose dans un bouillon plus complet encore, plus porté par le coquillage. Le tronçon est impeccablement cuit, saignant ou presque, en tout cas autant que puisse l’être un poisson. La peau est grillée à vif, la chair serrée et restant nacrée repose dans un ensemble douillet composé de jus d’algues, de bouillon de coquillages, très légèrement crémé, dans lequel on retrouve des moules, des coques, des pieds de mouton, tout au diapason.  Poisson qui s’en dédit !



Voici alors la venue de mon demi-plat++ qui me fait me féliciter d’avoir sauté le fromage pour ça : un bœuf gras Simmenthal, maturé 100 jours pour mon plus grand plaisir, et juste servi avec un peu d’un jus gras et profond, relevé au poivre Penja. 
Sélection et morceaux du chef qu’il partage avec moi sans que j’ai à le demander, je crois qu’il lit dans mes pensées, et vous savez quoi, j’en suis ravi !! Ce bœuf à un goût viandeux fabuleux de carn’exceptionnelle et de grillé-noisetté. On y retrouve plus de la moitié de gras-jaune mais tout le monde comprendra vite qu’il faut le manger avec, voire finir l’assiette en ne mangeant plus que ça, trempé dans le jus, pour un grand plaisir joyeusement décadent.  Mais même sans cela la chair est formidablement fondante et a le goût d’un élevage en liberté et d’une mort rassurée. Un demi-plat en mode « Géant/Gentil », un seul mot, merci !


Tout ceci n’était en fait qu’un prétexte pour me préparer à sa dernière création salée, son lièvre à « sa » royale !


Vous le constatez, on est là dans une version remaniée à sa sauce de la fameuse recette originelle, et millésimée 2014, revue et corrigée pour la 4ème fois depuis ses débuts. Les râbles sont fraichement et simplement cuits, accompagnés d’un boudin incredible (plus que créole), d’un peu de foie gras et d’une conchiglie qui reprend un peu de tout. La viande garde la mâche et le côté sauvage, mais sa nudité le fait plus facile à apprécier. Le foie gras ajoute de la joie et de l’amplitude au pointu du jus-sirop-royal. Le boudin d’abats est fort en gueule mais il passe bien, sanguin, mais pas trop, restant commodément gourmand. 


Ce plat me fait penser à un « lièvre à la royale pour tous », respectant l’esprit de la recette mais en l’adaptant au goût d’aujourd’hui pour plaire au plus grand nombre ; moi ça me va très bien, les amateurs d’une certaine violence de ces fragrances old-school, resteront un peu sur leur faim. Le tout est saupoudré allègrement d’éclats de truffe qui croquent sous la dent et qui lient toutes les composantes de l’assiette, qui finit magnifiquement cette série de plats tout en nuances de chaleur. 


J’avoue ensuite qu’avec tout ça, et la route restant devant moi, les desserts ont moins fait effet ; j’attendais pourtant avec impatience le premier, pensé autour des citrons de Monsieur Bachès, homme mondialement reconnu par tous les food’table de mon espèce. Le dessert est à la bonne place, en mousse, en meringue, en gel, en glace et en crème, les citrons lavent les papilles et éclaircissent l’esprit. L’acidité est pourtant peu marquée, le tout est très doux tout en restant vivifiant, mais il manque un peu du génie présent auparavant.


Reste alors à se promener dans cette dernière assiette, dans ce jardin sucré-forestier  ou tout n’est que douceur finement chocolatée. Cette fève Carupano, on la retrouve en éclat et en mousse légère, en crème plus marquée et mêlée aux cèpes dans un mélange fort agréable, mais en deçà de mes souvenirs marconiens. Ce dessert est remarquable néanmoins, et on le finit très rapidement, regrettant juste qu’il n’aille pas plus loin.



J’avais eu du nez semble-t’il, car il est en pleine bourre actuellement William Frachot, et s’il n’est peut-être pas encore au sommet de son art, il est sans doute arrivé aux max de ce qu’il peut faire de mieux, dans cette salle du sympathique hôtel Chapeau Rouge, qui, pour attirer les fines gueules, lui doit beaucoup.  Le repas, dans sa partie salée, fut parfait, il faut le dire, tout en nuance de chaud quand d’autres nous impose la moitié du menu-dégustation en assiette froide/tiède. Les assiettes sont franches et franchement volontaires dans leurs envies de régaler le client, le chaland, le gourmand, « tout simplement ». 

Cuisine de haut niveau pour produits de haut vol, il me tarde déjà d’y retourner deux fois… 

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