Depuis quelques années
j’ai appris à aimer les beaux pinots noirs, ce cépage, qui, s’il a pris toute
sa grandeur et ses lettres de noblesses en terre de Bourgogne, se plait
de plus en plus en Alsace. Grâce à une volonté farouche de rattraper le retard,
grâce à un subtil mélange d’humilité et de volonté de se dépasser, on trouve
dans notre région de superbes bouteilles qui rivalisent sans aucun doute avec
ces cousines bourguignonnes, surtout si on reste dans la même gamme de tarif.
En ces fêtes de fin
d’année, pour accompagner vos envies d’un Noël épicurien, je pense et vais
revenir sur ceux que j’ai dégustés et commentés sur le Blog d’Epicure ces
dernières années, ce qui ne représente malheureusement, soyez-en certain, qu’un
tout petit pourcentage de ce que j’ai bu de beau ces dix dernières années.
Je repense
particulièrement à cette « Harmonie » 2007 du (de mieux en mieux)
côté Domaine Valentin Zusselin, que j’ai dégustée ainsi en 2011.
« Quelques touches
fauves viennent troubler le jus néanmoins, et le nez en est aussi marqué, mais ce
sont bien les émanations pinoteuses qui se développent ensuite. Avec de la
cerise légère, qui s’échappe du verre, suivi de groseille et d’un soupçon de
poivre blanc.
La bouche est tonique,
et bien marquée par le cépage et la région. Il y a de la délicatesse, pas
énormément de matière, et un final élégant.»
Je souhaite revenir
aussi sur la chouchoute de bien des amateurs alsaciens comme mondiaux, que je
ne citerai plus ici, sinon vous allez croire que j’en fais une fixette, mais
son Strangenberg 2009 est une superbe promesse de ce qui peut se faire de bien
chez nous.
« Le lendemain, on
a eu la chance de revoir un message bien plus clair. La robe est framboise,
avec des reflets tirant sur le roux. Au nez, il prend des accents de grenade et
d’encre de qualité, tout en conservant assez de fruit rouge pour entretenir un
grand plaisir. En bouche, il est plus intègre, beaucoup mieux que la veille,
avec une finale à l’équilibre entre persistance et évanescence….signe des
pinots noirs remarquables. »
Mais le plus gros
potentiel de grandeur en mode pinot noir alsacien est sans doute à chercher
dans la large gamme du Domaine Albert Mann et chez son vinificateur au palais
vraiment impressionnant de justesse, Jacky Barthelmé. En 2010, son Grand H2006
se goûtait ainsi :
« Dès le début, on
découvre un nez très chaud, sur la framboise, la bouche attaque finement et
prend de l’ampleur en finale, sur une idée de bois précieux. Puis assez vite le
nez se précise en framboise, en café, la bouche reste vive malgré une belle
pesanteur.
Au bout d’un petit
temps, le nez du vin se décline sur l’ardoise, l’ébène, la fumée de Havane, la
bouche réussit le tour de force d’être agréablement sèche tout en gardant son
caractère trempé et une jolie tenue.
Quelques heures plus
tard et malgré un repas riche en saveurs, il conserve sa présence olfactive, on
a bien l’impression qu’il gagne même en puissance, c’est définitivement un vin
masculin. Il finit sa course sur des notes de purée de fraise, poivre,
cannelle, santal…bref voici encore un vin à promesse qui pousse sur ce Grand
Cru Hengst. »
Depuis, j’ai eu la joie
de plonger mes papilles dans quantités de grands vins d’Alsace de ce joli
domaine, surtout sur les millésimes 2009 et plus encore sur 2012. Bien sûr, ils
ne sont pas les seuls et je me rappelle de beautés différentes signées Paul
Blanck ou René Muré, entre autres.
Pourtant il est vrai que
les modèles, les étalons, on les cherche encore très souvent en Bourgogne,
quand il y en a encore à vendre et quand nos budgets nous le permettent.
Mais certains grands
vendeurs ont toujours des bouteilles disponibles et, marché et qualité oblige,
les vendent encore à un tarif digérable, comme ce Clos des Langres 2004 bu en
2011 et commenté ainsi :
« Au nez, c'est
étoffé, sur un peu plus de dureté que les évidences du Pinot Noir, et en bouche
l'entrée est gourmande, avant de devenir rapidement intense et fraîche en
milieu de bouche, avec un final plus tendre à l'ouverture, plus fougueux une
heure plus tard. Ça décline quelques notes d'ardoise chaude, d'épices douces et
de myrtille... »
Vous connaissez
désormais tous ma soif de mieux, vous savez que j’aime voir plus haut, plus
loin et boire le meilleur possible, je suis allé chercher les vins de domaines
plus célèbres. C’est pour cela que j’ai bu et chroniqué, il y a un an et demi,
la Vieilles Vignes 2006 en Gevrey Chambertin du Domaine Charlopin.
Voici mes impressions :
« Une fois installé, on remarque sa robe changeante, assez soutenue au
cœur, avec même un peu de tuilé au cercle pendant quelques heures. Le nez, lui,
évoque une touche persane qui lui donne du maintien, une certaine classe et se
renforce sur l’extrait de dix fruits rouges au moins. Elle est franchement
impeccable de justesse.La bouche se fait sans
cesse plus belle, vivante, fluide et gracile. Au bout d’un temps la puissance
se renforce également, évoquant un « goutte à goutte » de framboise et d’épice
fine et douce. »
Mais le chemin est long
jusqu’au sommet, et il faut trouver quelques refuges, comme ce début de gamme
de Denis Mortet, sur ce même millésime moyen qu’est 2006 et toujours sur un
Gevrey village, que j’ai goûté ainsi il y a quelques semaines :
« Au bout d’une
heure, cette bouche se ramasse et devient plus homogène, et révèle sa classe
folle, malgré son gros caractère. Le vin prend du corps au bout de 3 heures et
devient très gelée cassis-framboises-clou de girofle. Au nez, il passe sur le
cassis-mélisse, avec des fragrances d’huile de noix, tendues par des notes de
géranium. A l’œil, il reste sombre, mais un peu de lumière s’échappe de son
cœur. »
Une fois passé par toutes ces étapes, après avoir cheminé dans votre goût, si vous vous trouvez au bon endroit, au bon moment, vous pourrez peut-être rencontrer un génie, ou même trois, mais rassurez-vous, si vous n’êtes pas arrivés jusque-là, vous pouvez en rêver, cela nourrit son homme également….en tout cas moi cela me nourrit depuis ma plus folle adolescence.
Alors, peut-être, vous
entrapercevrez le Domaine de la DRC (Romanée Conti), et éberlué, avant de
prendre la claque de votre vie sur La Tâche 99, vous vous échaufferez les
papilles et l’esprit sur l’Echezeaux 2006, « la perfection des fragrances
s’échappant de ce verre vaut bien tous les cours et discours magistraux au
monde. Sa robe était diaphane et vaporeuse, son nez direct et pourtant si
délicat ; la gelée de groseille et les épices chaudes et douces se présentent
en bouche, avec une précision de nanotechnologie, pourtant principalement et
naturellement apportées par une extrême connaissance et maîtrise du terroir.
Des notes de roses fraîches ressortent d’un nez digne de celui de Cléopâtre, et
la bouche se poursuit, doucement, comme une gangue de velours. »
Parti de l’Alsace pour
finir sur le toit du Monde, le pinot noir est un concours de subtilités, qui,
réchauffement climatique oblige, sera sans doute toujours le plus grand cépage
à grand rouge du Monde. Alors pourquoi s’en priver pour arroser ses convives et
les volailles grasses qui orneront nos tables en cette fin d’année.
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