Un chardonnay du Jura,
grand selon moi, mais qui est souvent bêtement ramené à son aspect de
« réduction » par les grands-connaisseurs-à-œillères, pourquoi
donc ?
Pourquoi ne pas parler
du vin plus simplement, « j’aime, je n’aime pas, voilà
pourquoi » ; pourquoi ne pas laisser cette vraie patte du
vinificateur s’exprimer, laisser son vin évoluer, laisser sa terre d’argile
jaune-marron se révéler ?
Parce que moi, il y a
moins d’un mois, sur les hauteurs et dans l’air pur du fin fond du Valais, j’ai
grandement apprécié ma plus vieille Mailloche.
En mirant cette robe,
pleine d’éclat mais sur des teintes très vieil or, un jaune tirant sur le
curry, avec un peu de brun naissant, on se met en appétit. Au nez s’ouvre un
royaume de noisetiers devant nos sens ébahis. C’est omniprésent et entêtant,
peut-être un peu trop, mais c’est remarquable. La bouche est fringante, superbe
d’intégrité dans son discours forestier, avec de petites notes de jolis fruits
blancs en poursuite.
Il est vrai qu’il est
vraiment très fumé/grillé ce vin, énormément même, surtout après près de 10 ans ;
il est vrai aussi, visiblement, que cela est le signe d’une grande
« réduction » et de son effet sur un vin, mais le réduire à cela est
stupide à mon goût. Et pourquoi on passerait cela à Coche-Dury et d’autres
mythes de la Bourgogne, avec même quelques râles de bonheur en découvrant
l’étiquette, et pas à Stéphane Tissot, pourtant sans doute un des 3 vinificateurs
les plus talentueux du Jura ?
De plus, quand on lui
laisse quelques heures d’ouverture, cette robe révèle son jaune glorieux, quasiment
baroque. En allant voir un peu plus loin que le bout de son petit goût et de
ces petites papilles, on trouve une belle trace de sucrerie pâtissière, cette
sensation de sentir ces fines branches fraîchement coupées de l’arbre, un air de réglisse et même de la vraie pomme-poire à l’aération. Mais bon, il est vrai que le nez reste assez
monolithique.
Pourtant la bouche est
grasse en entrée, coulante en force, elle s’installe ensuite pour y rester.
Elle se fait de plus en plus veloutée,
voire onctueuse.
Ce vin, je l’ai
formidablement apprécié après quelques heures à crapahuter dans les forêts
suisses. Avec une fondue au fromage, l’accord d’un vin aussi grand est un peu
décadent, mais avec une authentique « moitié-moitié » fribourgeoise
(Vacherin et Gruyère), on peut se le permettre, même si cela n’est clairement
pas optimal. On pourrait même aller voir encore plus loin, garder encore
quelques années cette bouteille et la mettre en face de jolis Meursault, sur
une épaisse sole meunière, beurre et noisette.
On pourrait aussi aller
voir plus loin que la « réduction », chers professionnels, car il y a
bien d’autres choses dans ce vin, même s’il y a clairement de cela.
Mais dans vos bouches,
cela semble rédhibitoire et ce mot savant ce suffit à lui-même ; dans la
mienne, il reste du doute, et un joli plaisir de boire cette cuvée une fois de
temps à autre, quand la vie l’appelle.
Vous qui semblez
connaître tout par cœur, comment pouvez-vous, vu la jeunesse de cette cuvée et
le manque d’expérience de tous sur ce genre de terroir, dans cette région
atypique, avec un vinificateur qui sait vinifier, comment pouvez-vous être certain
qu’il n’y a pas, là, une vraie trace de terroir ?
En tout cas, pour ma
part, même si je ne pourrai boire de tels vins tous les jours, je les retrouve
toujours avec plaisir et un peu subjugué, et en fait cela ne fait que renforcer
ma Jura’ddiction !
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