Un « simple
côte-du-rhône » qui déchaîne quelques passions, il n’en fallait pas plus
pour faire une étiquette récurrente sur nos tables familiales depuis 10-15 ans.
Certains l’ont découvert il y a moins de temps que cela et déjà en reviennent,
d’autres ne jurent que par son père - l’Homme de Château Rayas – difficile, donc
de juger de la qualité réelle d’une telle bouteille.
Avec sa robe rouge
cerise au démarrage, claire au cœur, et avec ses reflets rubis-framboise de
toute beauté, il cache bien son jeu. Au départ et au nez, il était simple, donc
cerise ; ensuite, quelques heures plus tard, il se refermera, pour laisser
s’échapper quelques sèches herbes méridionales et médicinales et une trace
sanguine.
En bouche il est
directement en place, plaisant-présent mais manque de ce qui fera son sel bien
plus tard ; on remarque néanmoins son final de réglisse qui fait son effet
après l’ouverture rouge-fruitée.
Car c’est un des
« problèmes » de ce vin, son besoin de prendre son temps, de se faire
désirer, de nous forcer à patienter. L’autre pourrait être son tarif, entre 17
et 34 € chez le caviste (les jeux sont faits, rien de va plus), un peu plus
encore au restaurant.
Le dernier est son origine et son géniteur, Emmanuel
Reynaud, digne représentant terrestre d’un des plus grands vins célestes et
néanmoins sudistes de cette planète. Tout cela fait un « simple
côte-du-rhône » à problèmes (donc intéressant), car pas toujours apprécié à sa juste valeur, par tous les amateurs.
Car après quelques
6-12-24h d’aération (ou donc 1-2-4 ans de bouteille pour les plus patients
d’entre nous), voici ce qu’il nous montre, ce vin. Une robe bien plus sombre,
avec du cœur et beaucoup de profondeur. Au nez, il passe par l’olive pitcholine
et un excès d’alcool volatile (au bout de 12h), mais file vite vers la figue
rôtie et le marc de grenache, de Châteauneuf-du-Pape.
En bouche il finit par
se montrer crémeux, doux en entrée, avec cette poursuite plaisante, très mûre,
patinée. La griotte s’échappe de la rétro-olfaction, tout au bout du compte.
Mais cela, vous l’avez
compris, c’est pour les persévérants, ceux qui ouvrent plusieurs bouteille à la
fois, et peuvent donc laisser à un jus le temps de se livrer. Toutes les situations ne s’y prêtent pas, cela va sans dire.
Et encore, c’est aussi pour les ceux qui goûtent librement, car pour
beaucoup d’autres, telle bouteille a toujours un ptit souci, tel millésime est
toujours moins bon que le précédent…
Pour les autres, qui
boivent ça comme le reste, et après plus d’un jour d’ouverture, il sera sans
doute drapé, comme pour moi, d’une robe épaisse et carmin. Il reprendra son
évidente chaleur mais perdra de son alcool ravageur et laissera s’échapper des
émanations de raisin noir de Corinthe.
Il trouvera même une
bouche toute en délicatesse, finalement, délicate en entrée, se renforçant
ensuite pour trouver sa longueur de croisière. Elle sera juteuse et superbe,
sur la figue noire à parfaite maturité.
Ce « simple
côte-du-rhône » pose des problèmes à certains high-degustators, ne dîtes pas le contraire, je vous entends
pérorer entre vous, surtout après un millésime 2008 (en rouge) difficile depuis sa livraison. Pour les autres, les clients de la première heure ou les nouveaux convertis, il reste, sans doute, un des vins qu’on aime ouvrir
(en nombre), et boire (à gorge déployée), certaine fois avec des étoiles dans
les yeux et des histoires de grandeurs pleins la bouche, d’autres fois, avec un
peu de retenue, de contrariété mais plein d’espérance de jours meilleurs.
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