Une fois de plus on a
croqué dans l’année…on en a même bouffé sévère à vrai dire, on a goûté la
simplicité dès que possible, mais on c’est aussi délecté des plus grandes
assiettes et des plus belles tables, alors, pour fêter ce 2013 déclinant
(enfin) et les hypothétiques renouveaux de 2014, voici un pur repas de rêve.
Dans un nouveau voyage
immobile, parcourez avec moi ces six Tables, remarquez ces six Chefs
formidables et leurs visions d’un terroir magnifié par le goût. Du fin fond du
Jura à la pointe de la Côte d’Azur, des berges de l’Ill aux sommets alpins, en
passant par les lacs magiques et les tendres vallons, asseyez-vous et dégustez.
On débute par deux
étoiles à Arbois chez Jean-Paul Jeunet, et une entrée rassurante et gourmande à
souhait, de superbes morilles fraîches…
« Celles-ci sont fourrées au foie gras,
accompagnées de poitrine de porc confite et d’une quenelle de champignons posée
sur quelques palets de rutabaga….ça parle non ?
Les premières morilles de la région sont parfaites, pas trop grandes et
plus concentrées en goût, tout en gardant une délicatesse toute printanière. Le
foie gras dont elles sont délicatement fourrées propulse plus le goût qu’il ne
le déguise. En fait il s’échappe du champignon à chaque fois qu’on mord dedans
et ajoute du plaisir au plaisir, tout en donnant plus de longueur au plat. Le
porc confit est aussi beau qu’efficace, et le mariage morille/foie gras/cochon
est d’une évidence gourmande qui donne envie de rire tellement il me
réjouit. »
On poursuit par une
petite salade de homard dans la fraîcheur de l’évidence et sur ces indémodables
berges de l’Ill de la grande famille Haeberlin, pour ces trois étoiles
obligatoires.
Cette petite entrée
tirée du menu déjeuner, a été dégustée il y a quelque jour, en « warm-up
des fêtes », elle fut de celles qui vous remettent en scène
instantanément, avec sa petite gelée prise, son assise marquée par le chou
fleur et l’apport du yuzu en excitant d’appétit. Elle est surtout la preuve de
la différence entre homard bleu, cuit à la perfection, et les autres…
Ensuite on passe au
poisson, avec une nouvelle image de la pureté divine et d’un certain goût de la
simplicité, avec ce féra signé du grand chef Emmanuel Renaut, et trois
nouvelles étoiles à Megève.
« On reste dans cet état de fait, avec une féra simplissime et
appréciée comme telle, sans artifice aucun, pour le plaisir du produit. Le
filet est taillé au millimètre et agrémenté de palets de choux fleurs, de
poudre de thé vert matcha et d’une sorte de purée de blanc de poireau. Cette
assiette virginale prend de l’épaisseur grâce à la précision du tout, et, à la
moitié de la dégustation, on craque pour ce petit pot de bouillon de légumes
jouissif, beurré et citronné, qu’on nous propose en complément. »
Et comme on se refuse
rien, et que poisson et crustacés peuvent aussi être mêlés, on part au
firmament tropézien, chez Arnaud Donckele, pour rere-trois étoiles et un plat
génial, sans doute le plus grand de l’année, le mariage de la noblesse et du
peuple, de la langouste et du mulet…
« La langouste est un noble crustacé, mais
la langouste-puce des alentours de Port Cros, est, à mon goût, un mets de choix
impérial ! Elle est fabuleusement traitée en ce plat scindée et partagée
avec le poisson le plus commun sur ces littoraux, le mulet (appelé la mule en
patois, et le poutardier en prout-prout chabada). Ce mélange de commun et de
noblesse, ce jeu de cru et mi-cru (à gauche) et mi-cuit et cuit (à droite), et
tout le reste qui entre en valse marine rend ce plat passionnant. On attaque à
gauche, se régale des nuances de non-cuisson et de chair, tantôt d’une pureté
paradisiaque avec une mâche d’enfer (pour la langouste) tantôt d’une simplicité
réjouissante (pour la mule). On nous apporte également une sauce
super-cocktail, coraillée-épaissie, dans laquelle on trempe discrètement un peu
d’antenne et plus que de raison un bout de queue, juste assez attachée à la
carapace pour pouvoir la prendre avec les doigts et
l’engouffrer allègrement.
On passe à droite, ensuite, avec un chaud-tiède moins impressionnant en
goût, mais plus en plaisir, et qui complète parfaitement la volonté du
Chef : une tranche de mulet surmontée d’une quenelle de caviar osciètre et
un tronçon de queue de langouste, à la cuisson subtile et parfaite, trônant
dans une écume de verveine pour un délice certain. »
L’appétit de grand vient en mangeant du grand, alors filons tout de
suite et comme par magie, sur les bords du Lac d’Annecy, manger ce qui aura été
peut-être ma plus belle viande de l’année, avec ce pigeon-alpin de Yoann Conte,
pour deux étoiles amplement méritées.
« Ce sera grâce à un pigeon poché puis cuit en cocotte de
foin. La cuisson est absolument fabuleuse et l’assiette carrément généreuse.
Les flancs au naturel ont le goût et la texture d’infusion de pigeon, ils
s’accompagnent d’une purée de petit pois, d’une sauce yaourt-mélisse, et d’un
jus bestial-intense, servi à part, pour en disposer à l’envi sur l’une ou
l’autre partie de la bête ; on pourra y plonger le pilon par exemple, entouré
de peau grillé. Le dernier morceau de bravoure est un filet cuit en basse
température, enroulé d’une feuille d’ail des ours. Tout ceci est
fondant-fringuant, et, à vrai dire, passionnant. »
Arrivés à ces extrémités
de plaisir, on fera l’impasse sur le fromage, raisonnables que nous sommes. Mais
ne nous laisserions pas bien tenter par une petite tendresse ?
Allez…juste un dessert
réconfortant et un retour au pays par la face nord, pour deux dernières étoiles
et une poire, Williams bien sûr, signé du chef Fabien Mengus.
« Le monument est un fruit entier et confit
dans un sirop de vanille, mais c’est surtout que ce fruit est planté d’un cône
de cacao, dans lequel on vous verse du chocolat noir et coulant comme dans vos
rêves gourmands. On regarde cela avec délice avant d’y plonger la cuillère avec
envie. A côté se trouvent quelques billes de poire emprisonnées dans une gelée
d’eau de vie du même fruit, qui donne une petite signature fort agréable. La
glace vanille est très bonne aussi, mais on revient irrésistiblement vers la
poire gorgée au cœur et aux alentours de ce chocolat chaud, suffisamment noir
pour équilibrer l’assiette entière. »
Et de quinze étoiles, le
compte est bon, mes comptes moins, mais on peut dire que je l’ai eu, mon compte
de délice pour faire passer cette année. Une fois de plus j’ai dû y manger
entre trente et quarante de ces étoiles, dont quelques-unes pour faire passer
certaines peurs, mais beaucoup plus pour fêter le goût de la vie, le goût du
meilleur !
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