Alors souvent j’aime à
repenser à mes modèles, surtout les plus certains, pour pouvoir identifier plus
rapidement les « grands vins de petites étiquettes » que l’on
rencontre joyeusement, ici ou là, au cours de nos ‘’débustations’’ échevelées
de fin de semaine.
En matière de modèle,
jamais je n’oublierai ce Fréderic-Emile 1990 - de chez Trimbach bien sûr - une
bouteille ouverte fin 2008 et dont je suis presque certain qu’elle n’a pas
bougé à ce jour, à moins qu’elle soit meilleure encore…en tout cas, voici ce
que j’en disais à l’époque :
« Ce vin n’est jamais autant mis en valeur
qu’avec la maturité, et dans ce cas précis, la majorité. En effet ces 18 ans de
bouteille ne sont qu’une promesse vers l’épure totale et l’essence de terroir
la plus précise qui soit. […] Au nez, tout un univers s’ouvre devant nos
sens ébahis, une idée précise de ce qu’on pourrait appeler, pour les grands
rieslings alsaciens, le pétrole. Ce terme qui pourrait à juste titre rebuter le
néophyte mais qui n’est que le summum d’une fraîcheur complexe, celle de la
pureté d’un bouquet de pierre.»
En matière de vins avec
suffisamment de bouteille, je me rappelle souvent aussi de ce Grand Cru Kitterlé
1991 de Schlumberger, bu en 2009, et apprécié tel quel « Avec un peu plus
de recul et d’analyse on est subjugué par la fraîcheur et ces effluves qui
envahissent le verre. Ce jus, d’une exubérance toute régionale (maitrisé,
élégant, quasi millimétré), déploie quelques notes de fruit blanc, frais et fort,
et une touche végétale développant de beaux amers assez marqués en fin de
bouche. Le tout est soutenu par une acidité véritable, à peine polie par les 18
années de bouteille, la fin de bouche laisse même place à un beau retour, un
souffle clair très agréable.»
Bien sûr, ces bouteilles
sont des raretés précieuses, mais pour ceux qui souhaitent retrouver cette
notion de « vins précis et secs », je peux vous citer le digne voisin
des grands Trimbach, j’ai nommé la famille Kientzler, qui sur leur Geisberg et
en 2004 (bu en juin 2011) nous livra un vin avec une bouche
« consistante et grasse mais le tranchant donne la fraîcheur. Elle est canalisée, et déclame son amour des
fleurs blanches et vives. Mais c’est avec encore un peu de patience,
après l’ouverture, que l’interprétation se fait encore plus net, ça part de la
feuille pour arriver à l’agrume, avec ses notes de citron vert passé au tamis minéral, de pamplemousse et son
jus. »
Mais ce que je préfère
depuis quelques années, ce sont bien les rieslings de grands millésimes secs,
comme 2008 et 2010, sur des terroirs un peu plus riche et opulent, comme le
Clos St Landelin et le GC Schlossberg, mais maîtrisé par de grands vignerons
comme la famille Muré et les Mann/Barthelmé.
Dans ce registre je me
souviens parfaitement du Clos St Landelin 2008, bu début 2012, et qui goûtait
ainsi : « La bouche est
intense et phénoménale de fraîcheur et de vivacité, elle décline
des notes de pamplemousses et une idée de lichens fossilisés. Elle a de la
sève, est percutante et mentholée et se civilise avec le temps, tout en
continuant à se tendre comme un arc (en terre). »
Mais mon dernier
modèle-étalon en la matière reste le Schlossberg 2010 d’Albert Mann, un vin
immense et intense, à l’avenir tout tracé (15-30 ans minimum, selon moi) et que
j’ai bu et décrit ainsi durant l’été 2012 :
« Sa robe
est métallique, un miroir clair, lamé argent ; son nez est tout en
retenue au démarrage, sur l'idée d'un immense champ de blé tendre. En
bouche ce vin se fait ruisseau ardent, d'une intensité folle et d'une grande
puissance, quasi végétale, mais sans aucune verdeur. […] Après
quelques dizaines de minutes d'ouverture, le vin s'installe, à l'oeil
on lui découvre de plus en plus, un gris élégant. Au nez aussi l'intensité
se renforce, on retrouve des airs d'eucalyptus suggérés, on imagine une ronce
sans ses épines. Mais c'est en bouche que le fou potentiel se dévoile, un
tombereau de fruits blancs s'ouvre devant nous et plus il s'ouvre plus il
semble un peu engoncé, trop grand pour son armure heureusement ajourée. »
Tous ces rieslings - et
bien d’autres encore - peuplent ma mémoire, et toutes ces caractéristiques
évoquées en description sont les signes de grands vins blancs, qui comptent
parmi les meilleurs du monde à n’en point douter ; alors si vous
rencontrez l’une ou l’autre de ces caractéristiques, en dégustant un riesling
prochainement, même de domaines et terroirs bien moins célèbres et reconnus,
surtout n’hésitez pas à en encaver un maximum, ils seront les promesses de
quelques prochains moments épicuriens…
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