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mercredi 5 juin 2013

La cuisine de Yoann Conte, un grand coup de printemps !

Il était une fois une rencontre avec la cuisine d’un chef qui aura un jour - prochain - trois étoiles, une rencontre qui fait grand bien dans cette période de découragement généralisé, une de celle qui marque une année.

Alors ne boudons pas notre plaisir, car déambuler au bord du lac d’Annecy, sous un soleil faisant scintiller le lac et reluire les montagnes, c’est déjà un grand bonheur, alors ; finir cette promenade au pied de l’ancien restaurant (toujours maison) de Marc Veyrat, pour se faire cajoler par un de ses enfants spirituel Yoann Conte, c’est une félicité.



Très vite, sur la terrasse de cette petite « folie », on s’installe et on débute par un petit apéritif évident, avec à gauche une simple glace carotte, dés de carotte et huile d’olive, une belle coupelle rafraîchissante de bon aloi sous ce soleil de plomb : au milieu c’est plus discret encore, pourtant toujours aussi entraînant, mais à droite on préfère cette verrine qui commence sur l’intense, avec un espuma de foie gras, un croquant chocolat blanc et une mousse liquide d’asperge.       



Ce triptyque est juste là pour nous détendre finalement et pour lever un coin de voile, mais le véritable lever de rideau se fait à table, avec une mise en bouche qui serait déjà un sommet pour la grande majorité des chefs en activité. Regardez cette idée magnifique d’un jardin printanier qui vous arrive en pleine poire. Il y a là une mousse de persil en forme d’éponge, une éponge qui sert à saucer les différents jus concentrés et à pousser sur la fourchette ces quelques escargots enrobés d’herbes. Pour une mise en train et en saison, c’est vraiment étonnant et, à vrai dire, presque parfait.

C’est à ce moment qu’on ouvre ses yeux et ses chacras sur la nature environnante, en prise directe, et sur cette salle dans laquelle, on le pressent déjà, nous allons passer un très grand moment-épicurien…




Dès la première entrée, on est subjugué par cette coupelle fabuleuse, pleine à craquer de tout ce qui nous a tellement manqué en cette saison manquée. Tout est ici rassemblé-assemblé en un tout superposé autour d’un œuf poché et d’une neige d’oseille. Il y a un maelstrom d’herbes, de plantes, de fleurs qui ne font qu’un et dans lequel on se jette éperdument. L’estragon sous-tend et le jaune libéré de l’œuf, sans le vouloir, fait la liaison. Mais c’est le granité flash-fresh qui sidère le plus et qui éclaircit l’esprit. Voilà une sortie montagnarde pleine d’envie et de l’envie de faire plaisir.

Ensuite tout s’accélère et on nous apporte déjà une première incartade gourmande, avec ce carpaccio de bœuf roulé, qui cache en son cœur un tartare. Le tout est assaisonné et sans doute un peu mariné, mais il est surtout accompagné d’œuf de caille poché au sucre et d’une moutarde à l’estragon franchement superbe. Cette dernière fait penser à une béarnaise qui serait poussée à fond et allégée au possible.  




Après cela, on voit arriver le très attendu gâteau de pomme de terre et féra fumé, un dôme gourmand avec des pommes de terre à chair ferme et au vrai goût montagnard, avec en son centre des morceaux de filets à peine léchés par le fumé pour un plaisir complet, tendre et caressant. Ce plat est le plus simple du menu, il est presque familial ou comme une belle recette de grand-mère, mais il touche au cœur et il ne fait pas de mal de redescendre un peu après ce début en fanfare.



Surtout qu’après on nous dépose un nouvel ajout du chef, une de ses spécialités qu’il souhaite nous faire goûter, « sa langoustine ». Elle est impériale et laqué, parsemée de mini-légumes et poursuit cette recherche sur le ‘’moelleux-sans-ennui’’. Le jus est mélisse et curry dans un mélange saisissant, mais qui reste relativement discret et au service du produit,  ne le dénature pas.  






On commence alors à se demander si ce menu « carte blanche », annoncé en 4 plats, n’est pas en train de se transformer, par la seule générosité du chef, en une démo de cuisine actuelle ; derrière les grilles, on sent le calme de la brigade qui contraste avec l’ardeur des mangeurs, qui, le sourire aux lèvres, attendent la suite des réjouissances. Cela ne tarde pas avec cette annonce « il ne reste plus qu’un filet d’omble en cuisine, ça ne sert à rien de le garder, alors le chef voudrait savoir si il vous tente »…..en voilà une question !

Voici donc que m’est déposé un morceau de pêche signé Jacquier et une assiette certifiée Conte, le filet est un peu plus cuit, presque confit dans un jus d’orange et d’épice chaude et surmonté de la peau roulée et de quelques pousses de coriandre dans un mélange génial de maîtrise. Il est servi avec une déclinaison de carottes, tantôt entières et confites au miel, tantôt roulées à l’orange. Tout ceci n’est qu’un miroir qui réfléchit ce noble poisson d’eau douce, et on finit l’accord majeur par une raviole de carotte emplie d’herbes au jus et de secret bien gardé, qui fait comme une dernière douce fulgurance sur le palais et dans nos souvenirs.





Après toutes ces touches de Léman, on en vient à attendre la viande, en se demandant comment nous propulser plus loin encore. Ce sera grâce à un pigeon poché puis cuit en cocotte de foin. La cuisson est absolument fabuleuse et l’assiette carrément généreuse. Les flancs au naturel ont le goût et la texture d’infusion de pigeon, ils s’accompagnent d’une purée de petit pois, d’une sauce yaourt-mélisse, et d’un jus bestial-intense, servi à part, pour en disposer à l’envi sur l’une ou l’autre partie de la bête ; on pourra y plonger le pilon par exemple, entouré de peau grillé. Le dernier morceau de bravoure est un filet cuit en basse température, enroulé d’une feuille d’ail des ours. Tout ceci est fondant-fringuant, et, à vrai dire, passionnant.


Encore une preuve de bienveillance du Chef, vu mon manque d’empressement à quitter la table, on me propose quelques fromages, pour le plaisir. Arrivent alors quelques planches pleines de superbes fromages de la région, un très beau travail de sélection. J’ai craqué pour de la Tomme de Manigod et de La Clusaz, grasses et tendres ; pour le persillé de Tignes, un mix chèvre et vache ; et un bouchon frais à l’ail des ours, bien puissant. Les fromages s’accompagnent d’une boule de glace au foin, très malin, car elle fait le lien entre tous et se transforme vite en madeleine de Proust pour tous les petits princes campagnards.




Arrivé à ces extrémités, surgit un pré-dessert d’une intelligence folle, une glace romarin et salpicon de légumes, étonnante et naturelle, citronnée pour renforcer le frais, elle prépare à la fin. Ensuite se poursuit l’avalanche avec ce palet tendre de crème poudré-chocolat, sur lequel repose un bonbon à la gentiane violent sur la langue, mais tout de suite adouci par du chocolat coulant et une glace pistache.


On termine d’en finir avec le dessert en tant que tel, avec un retour vers la simplicité et les premières fraises vraiment goûteuses en montage de crème légère et de pâte sablée qui s’accompagne encore d’une pipette de jus de fraises concentré. 







Après ces quelques heures en dehors du monde, on finit par quelques mignardises et un chariot de café et d’infusion incroyable, avec entre autres propositions indécentes, infusion de boutons de rose de Damas ou café Blue Mountain…bref une sélection impressionnante.

On reste alors à rêver, sur cette terrasse bénie des dieux et baignée de lumière et de chaleur - plus que bienvenues en ces périodes de froidure - à comprendre qu’on vient de vivre une expérience qui fait du bien et qui compte dans l’année d’un serial bâfreur comme votre serviteur…           


5 commentaires:

Samuel a dit…

Merci pour ce reportage qui fait envie! Quel était votre menu?

Antoine MANTZER a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Antoine MANTZER a dit…

Mais de rien Samuel et désolé pour l'affichage tardif de votre commentaire.

Le menu était le "carte blanche 4 plats" du déjeuner...menu tellement carte blanche qu'il s'est vite transformé en 6-8 plats allègrement...c'est beau la générosité savoyarde !

Nicolas Jolly a dit…

J'aime beaucoup le triptyque, c'est très réussi!

Antoine MANTZER a dit…

Effectivement mais c'est tout de même la "sortie" la moins impressionnante du menu, mais ça tombe bien, c'est le commencement...une vraie mise en bouche en somme!

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