Il était une fois une
rencontre avec la cuisine d’un chef qui aura un jour - prochain - trois étoiles, une
rencontre qui fait grand bien dans cette période de découragement généralisé,
une de celle qui marque une année.
Alors ne boudons pas
notre plaisir, car déambuler au bord du lac d’Annecy, sous un soleil faisant
scintiller le lac et reluire les montagnes, c’est déjà un grand bonheur, alors ; finir cette promenade au pied de l’ancien restaurant (toujours maison) de Marc
Veyrat, pour se faire cajoler par un de ses enfants spirituel Yoann Conte, c’est
une félicité.
Très vite, sur la
terrasse de cette petite « folie », on s’installe et on débute par un
petit apéritif évident, avec à gauche une simple glace carotte, dés de carotte
et huile d’olive, une belle coupelle rafraîchissante de bon aloi sous ce soleil
de plomb : au milieu c’est plus discret encore, pourtant toujours aussi entraînant, mais à droite on préfère cette verrine qui commence sur l’intense, avec un
espuma de foie gras, un croquant chocolat blanc et une mousse liquide d’asperge.
Ce triptyque est juste
là pour nous détendre finalement et pour lever un coin de voile, mais le
véritable lever de rideau se fait à table, avec une mise en bouche qui
serait déjà un sommet pour la grande majorité des chefs en activité. Regardez
cette idée magnifique d’un jardin printanier qui vous arrive en pleine poire.
Il y a là une mousse de persil en forme d’éponge, une éponge qui sert à saucer
les différents jus concentrés et à pousser sur la fourchette ces quelques
escargots enrobés d’herbes. Pour une mise en train et en saison, c’est vraiment
étonnant et, à vrai dire, presque parfait.
C’est à ce moment qu’on
ouvre ses yeux et ses chacras sur la nature environnante, en prise directe, et
sur cette salle dans laquelle, on le pressent déjà, nous allons passer un très grand
moment-épicurien…
Dès la première entrée,
on est subjugué par cette coupelle fabuleuse, pleine à craquer de tout ce qui
nous a tellement manqué en cette saison manquée. Tout est ici
rassemblé-assemblé en un tout superposé autour d’un œuf poché et d’une neige d’oseille.
Il y a un maelstrom d’herbes, de plantes, de fleurs qui ne font qu’un et dans
lequel on se jette éperdument. L’estragon sous-tend et le jaune libéré de l’œuf,
sans le vouloir, fait la liaison. Mais c’est le granité flash-fresh qui sidère
le plus et qui éclaircit l’esprit. Voilà une sortie montagnarde pleine d’envie
et de l’envie de faire plaisir.
Ensuite tout s’accélère
et on nous apporte déjà une première incartade gourmande, avec ce carpaccio de bœuf
roulé, qui cache en son cœur un tartare. Le tout est assaisonné et sans doute
un peu mariné, mais il est surtout accompagné d’œuf de caille poché au sucre et
d’une moutarde à l’estragon franchement superbe. Cette dernière fait penser à
une béarnaise qui serait poussée à fond et allégée au possible.
Après cela, on voit
arriver le très attendu gâteau de pomme de terre et féra fumé, un dôme gourmand
avec des pommes de terre à chair ferme et au vrai goût montagnard, avec en son
centre des morceaux de filets à peine léchés par le fumé pour un plaisir
complet, tendre et caressant. Ce plat est le plus simple du menu, il est
presque familial ou comme une belle recette de grand-mère, mais il touche au cœur
et il ne fait pas de mal de redescendre un peu après ce début en fanfare.
Surtout qu’après on nous
dépose un nouvel ajout du chef, une de ses spécialités qu’il souhaite nous
faire goûter, « sa langoustine ». Elle est impériale et laqué,
parsemée de mini-légumes et poursuit cette recherche sur le ‘’moelleux-sans-ennui’’.
Le jus est mélisse et curry dans un mélange saisissant, mais qui reste relativement
discret et au service du produit, ne
le dénature pas.
On commence alors à se
demander si ce menu « carte blanche », annoncé en 4 plats, n’est pas
en train de se transformer, par la seule générosité du chef, en une démo de
cuisine actuelle ; derrière les grilles, on sent le calme de la brigade
qui contraste avec l’ardeur des mangeurs, qui, le sourire aux lèvres, attendent
la suite des réjouissances. Cela ne tarde pas avec cette annonce « il ne
reste plus qu’un filet d’omble en cuisine, ça ne sert à rien de le garder,
alors le chef voudrait savoir si il vous tente »…..en voilà une question !
Voici donc que m’est
déposé un morceau de pêche signé Jacquier et une assiette certifiée Conte, le
filet est un peu plus cuit, presque confit dans un jus d’orange et d’épice
chaude et surmonté de la peau roulée et de quelques pousses de coriandre dans
un mélange génial de maîtrise. Il est servi avec une déclinaison de carottes,
tantôt entières et confites au miel, tantôt roulées à l’orange. Tout ceci n’est qu’un
miroir qui réfléchit ce noble poisson d’eau douce, et on finit l’accord majeur
par une raviole de carotte emplie d’herbes au jus et de secret bien gardé, qui
fait comme une dernière douce fulgurance sur le palais et dans nos souvenirs.
Après toutes ces touches
de Léman, on en vient à attendre la viande, en se demandant comment nous
propulser plus loin encore. Ce sera grâce à un pigeon poché puis cuit en
cocotte de foin. La cuisson est absolument fabuleuse et l’assiette carrément
généreuse. Les flancs au naturel ont le goût et la texture d’infusion de pigeon,
ils s’accompagnent d’une purée de petit pois, d’une sauce yaourt-mélisse, et d’un
jus bestial-intense, servi à part, pour en disposer à l’envi sur l’une ou l’autre
partie de la bête ; on pourra y plonger le pilon par exemple, entouré de peau
grillé. Le dernier morceau de bravoure est un filet cuit en basse température,
enroulé d’une feuille d’ail des ours. Tout ceci est fondant-fringuant, et, à
vrai dire, passionnant.
Encore une preuve de
bienveillance du Chef, vu mon manque d’empressement à quitter la table, on me
propose quelques fromages, pour le plaisir. Arrivent alors quelques planches pleines
de superbes fromages de la région, un très beau travail de sélection. J’ai
craqué pour de la Tomme de Manigod et de La Clusaz, grasses et tendres ;
pour le persillé de Tignes, un mix chèvre et vache ; et un bouchon frais à
l’ail des ours, bien puissant. Les fromages s’accompagnent d’une boule de
glace au foin, très malin, car elle fait le lien entre tous et se transforme
vite en madeleine de Proust pour tous les petits princes campagnards.
Arrivé à ces extrémités,
surgit un pré-dessert d’une intelligence folle, une glace romarin et salpicon
de légumes, étonnante et naturelle, citronnée pour renforcer le frais, elle
prépare à la fin. Ensuite se poursuit l’avalanche avec ce palet tendre de crème
poudré-chocolat, sur lequel repose un bonbon à la gentiane violent sur la
langue, mais tout de suite adouci par du chocolat coulant et une glace pistache.
On termine d’en finir
avec le dessert en tant que tel, avec un retour vers la simplicité et les
premières fraises vraiment goûteuses en montage de crème légère et de pâte
sablée qui s’accompagne encore d’une pipette de jus de fraises concentré.
Après ces quelques
heures en dehors du monde, on finit par quelques mignardises et un chariot de
café et d’infusion incroyable, avec entre autres propositions indécentes, infusion de boutons de rose de Damas ou café
Blue Mountain…bref une sélection impressionnante.
On reste alors à rêver,
sur cette terrasse bénie des dieux et baignée de lumière et de chaleur - plus que
bienvenues en ces périodes de froidure - à comprendre qu’on vient de vivre une expérience
qui fait du bien et qui compte dans l’année d’un serial bâfreur comme votre
serviteur…
5 commentaires:
Merci pour ce reportage qui fait envie! Quel était votre menu?
Mais de rien Samuel et désolé pour l'affichage tardif de votre commentaire.
Le menu était le "carte blanche 4 plats" du déjeuner...menu tellement carte blanche qu'il s'est vite transformé en 6-8 plats allègrement...c'est beau la générosité savoyarde !
J'aime beaucoup le triptyque, c'est très réussi!
Effectivement mais c'est tout de même la "sortie" la moins impressionnante du menu, mais ça tombe bien, c'est le commencement...une vraie mise en bouche en somme!
Enregistrer un commentaire