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jeudi 26 novembre 2015

Leiser - Gaertner, pour redescendre en douceur, vive les grands classiques.

Heureusement nos promenades épicuriennes  ne sont pas faites que d’envolées féeriques comme celle vécue il y a peu chez Klein à Wingen-Sur-Moder, on en aurait le tournis et on ne toucherait plus terre.
Non elles passent aussi et surtout par ces maisons et ces assiettes confortables, intemporelles, ces grands classiques grâce auxquels nous avons appris à vivre, aimer, manger.





Au bord de la route des vins d’Alsace il y a plusieurs tables et chefs où réviser ses classiques, et ces derniers jours, j’ai trouvé le bonheur chez deux d’entre-eux, Joseph Leiser et Philippe Gaertner, respectivement à Ribeauvillé et Ammerschwihr.
Pour vous y emmener nous allons faire des allers-retours entre l’un et l’autre, tant on aimerait faire durer ces moments épicuriens éternellement.



Nous débuterions alors à « l’Auberge du Zahnacker », en hésitant entre deux entrées, une raisonnable et une qui l’est moins. Devant la difficulté de faire un choix, nous n’en ferons pas, et on attaque direct par du sérieux, une papillote croustillante pleine de tête et pied de veau, servie avec une belle gribiche et un petit mesclun. Le genre d’entrée qui installe dans le paysage et qui cajole les papilles et l’esprit des gourmandins.
Ces abats ne sont pas forts du tout en goût et la texture est bien moins troublante que ce que ceux qui n’y ont jamais goûté voudraient croire. Et puis la sauce gribiche, c’est un pan entier de notre histoire-gourmande à elle toute seule. Les amateurs de feuilles croquantes hésiteront avec une salade de pissenlit, plus raisonnable et facilement appréciable, qui fait toujours du bien avec ses petits croûtons/lardons et l’œuf mollet qui coule et se répand dans le mélange dès que l’on attaque l’assiette. 



Comme l’appétit vient en mangeant, idéalement on se télé-transporterait bien pour enchaîner « Aux Armes de France »  directement avec une terrine de foie gras, maison évidemment, faite avec le coup de main et la recette dix-mille fois répétée par le maître de maison, qui lui-même l’a apprise de son père, qui lui-même ….vous m’avez compris.
Point de surprise, juste la caresse de la texture de ce foie impeccablement assaisonné, accompagné par une petite brioche et un beau chutney, qui a le mérite de ne pas être mollasson, ni en goût ni encore moins en mâche, les fruits confits et secs sont presque durs et cela concourt bien avec la tendresse du foie gras.



Une fois installé chez les Gaertner, il serait vraiment dommage de partir sans se prélasser dans une assiette certes datée, mais toujours aussi délicieuse et efficace : les filets de soles aux nouilles à la façon de M.Pierre, qui l’avait appris chez Fernand Point. Bien sûr, on est loin du finger-foo’dingue ou des plats minimalistes dressés avec des baguettes.
On est là dans un plat rituel et dans le plaisir du roboratif, plus simple que ça, tu meurs : de la sole, des nouilles, une sauce largement crèmée légèrement gratinée. On pourrait croire que l’on n’arrivra jamais au bout mais c’est faux, on ne lâche pas l’affaire avant que l’assiette ne soit vide. Ce plat vous flatte l’esprit, vous embrasse l’estomac et vous rend plus affable, plus aimable.



Tant et si bien que l’on ne peut se résoudre à ne pas retourner du côté de Ribeauvillé, chez le père Leiser, juste parce que l’on a envie de goûter à toute sa carte de chasse du moment. Pourquoi choisir, puisque choisir c’est se priver du reste, alors, comme on est lancé, goûtons à tout ou presque.


On passe rapidement mais sûrement sur le civet de sanglier, délicieux et aussi sur le registre de la tendreté, dans la bonté, avec une viande très agréable (car choisie et cuite parfaitement), bien loin de l’image que l’on pourrait se faire du gibier quand on en mange jamais.


Ensuite on ne peut s’empêcher de se partager le civet de biche, toujours dans le même esprit, tendre et sweety, qui baigne dans une sauce sirupeuse qui fait tout le charme du plat. Les champignons sont bons et font un complément évident, les pommes-poires et airelles se plaisent dans l’assiette, elles l’éclairent et allègent la bouche.


Tant et si bien qu’il nous reste encore l’envie de partager un grand moment de bravoure avec ce râble de lièvre à la crème. Ce plat est le plus virulent depuis le début de l’article mais c’est celui qui a le plus plu à mes ami(e)zépicuriens que j’accompagnais dans ce déjeuner et cet article qui n’en finit plus. 

La viande est fabuleusement cuite, l’assiette est impressionnante. On entre là dans le vrai plat de chasseur, un classique qui vous remet les papilles en place. La viande est bien cuite autour et devient de plus en plus rosée à mesure que l’on se rapproche de l’os. Comme toute grande pièce de chasse, sa texture est serrée, pointilleuse, et son goût est prégnant plus que fort, on dirait une belle viande rouge délicatement mais clairement infusée aux abats. Les champignons aident à arriver au bout de cette assiette, qui à elle seule est capable de vous faire préférer l’automne à toute autre saison.



Après cela, on se rend compte que l’on a oublié ses tracas (ne vous inquiétez pas, ils reviendront assez vite) et l’heure qu’il était, on est juste pleinement là, à apprécier la fin d’un repas, les rires de ses contemporains et la fabuleuse générosité (un merci-spécial à Joseph Leiser pour la dernière bouteille) de ces chefs qui sont capables de rendre réjouissants les grands classiques et la tradition, alors que notre civilisation voudrait nous imposer la modenité comme seule capable de nous émerveiller et de nous émanciper.

Alors bien sûr, ces deux chefs sont aussi capables de vous proposer des nouveautés, je pense à la tarte fine minute à la tomate de Philippe Gaertner ou le sauté de bœuf au gingembre de Jospeh Leiser, mais franchement, quand on a des chefs classiques de cette qualité, c’est pécher que de ne pas en profiter.


Profitons pleinement de chaque instant, après, il sera trop tard.

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