L’annonce est belle,
voire irrésistible pour tout amateur de grands moments épicuriens et bourguignons. Depuis son ouverture il y a
moins de deux ans, et même avant, j’avais repéré et suivais ce lieu. Mais
voilà, aucun de mes envoyés-spéciaux-sur-place n’avait goûté l’adresse, il faut
donc bien qu’une bonne âme curieuse s’y rende et tente le coup.
Il faut dire qu’un aussi
beau château, à quelques pas du cœur de Meursault, dans un parc planté de grands
arbres, dont un paquet ont été arrachés par l’ex-proprio, un poil roublard, pour
y planter de la vigneaoc, ça interpelle, ça en bloque même certains, surtout
les locaux, prompts à l’exaspération.
Passons-donc tout de
suite à table, nous évoquerons le reste du Château en fin d’article, pour voir
et goûter cette cuisine en un menu-carte-courte qui est étonnamment
agréablement tarifé à 47€ pour un lieu d’un tel standing apparent.
Je débute par une
terrine maison, au lièvre, pistaches, noisettes et foie gras, simple comme
bonsoir et bon marqueur de l’envie et de la patte d’un chef. Celui-ci a d’ailleurs
changé dernièrement, quand le nouveau proprio a révisé ses rêves d’étoiles. Sa
terrine est fort agréable en goût, marquée, sans trop en faire, avec une belle
matière première. Le foie gras est bien dosé et apporte ce qu’il faut de
moelleux et de douceur, en l’amenant vers la vie de château sans dénaturer sa
belle simplicité. Bon, on est loin de la terrine de chasseur, tant mieux pour
le lieu, et avec ce chutney-maison, qui agace gentiment les papilles, on trouve
notre bonheur.
Ma chère-chérie commença par un tartare de Saint Jacques et saucisse de
Morteau, dont on s’est longuement demandé si on n’allait pas être totalement
déçu. Et bien non, ce tartare/terre/mer, superbement dosé, est le plat de la
soirée.
La Saint Jacques et la
Morteau ont été découpées à la juste épaisseur pour ne pas se masquer l’une
l’autre, pour s’apporter mutuellement, tantôt dans le mou et doux, tantôt dans
le fumé et le mâchon. Il repose dans une crème de poireaux chaud-tiède et
s’excite un peu avec les feuilles de roquette. Une entrée fort bien faite, un
accord sans doute majeur, mais simplement fantasmé, nous en reparlerons, avec
un beau Meursault.
Ensuite elle choisit le
bar, en quelques filets rôtis, escortés d’endives doucement caramélisées et
rendues intéressantes par le poivre de Sichuan. L’endive s’en trouve adoucie et
fait le lien avec ces quelques tranches de bar basique, assez bien cuites. Le
tout retrouve une douceur supplémentaire grâce à un jus carotte-orange très
juste. Une nouvelle fois, ce n’est pas le plat le plus inventif qui soit, mais
il est bien exécuté.
Pour ma part,
raisonnable comme rarement, je tente le cabillaud, cuit lentement mais sans
doute un peu trop longtemps, recouvert par quelques tranches-écailles de pomme
de terre, reposant dans un bouillon légèrement crèmé et un peu truffé. Le tout
est agréable sans être transcendant, les salsifis rôtis ajoutent une petite
dimension, et ils sont de plus en plus agréables quand ils s’imprègnent du
bouillon. La truffe fait de la figuration mais est efficace, dommage pour la
légère sur-cuisson du poisson.
Mais nous sommes à Meursault, alors n’oublions pas le vin, et comme c’est bien sûr, je cherche avec envie un vin du village dans la carte…Quelle ne fut pas ma surprise de ne rien, absolument rien trouver comme Meursault à moins de 74€ la quille ! Dommage. Malgré-nous, nous craquons pour cette entrée de gamme, un 2008 de Gaunoux. Avec envie je plonge dans le verre, mais grimace immédiatement, le montre au serveur-vaguement-sommelier, qui pourtant s’y croit assez pour ne pas juger bon de me faire confiance. S’en suivent 15-20 minutes d’incompréhension grave, le serveur refusant de remporter cette bouteille pourtant clairement pré-très-oxydé.
Il a eu de la chance que
je fusse dans un très bon jour et quelqu’un d’arrangeant, car on était proche
du scandale. Finalement, juste avant mon explosion, il a la bonne idée de
remporter la bouteille, et de m’apporter une bouteille de St Romain à moins de
35€, goûté à l’apéro. Pour la petite histoire, ce jeune homme têtu, à qui il
reste encore beaucoup de chose à apprendre, ne s’est même pas excusé, le
propriétaire, si, heureusement, bravo M.Garnier.
La journée avait été
tellement bonne, le cadre tellement rassurant et le moment suffisamment
réjouissant que cela n’a pas suffi à me gâcher ce dîner et les plats du chef
Pierre Creuzet, mais ce n’était vraiment pas loin...Nous finissons donc par un
peu de chocolat rapidement monté mais bien praliné ; il est accompagné étrangement par une glace au
champagne qui en a le visage et les qualités. Pour ma part, je prends la tarte
fine aux pommes et au beurre demi-sel. Elle est sympa, sans plus, on remarque
bien le dessert de cuisinier. La glace de pomme est plus juste, et le coulis de
coing fait le match et finit gentiment ce dîner.
Si l’étoile est loin,
elle n’est pas indispensable au lieu et le rapport qualité-prix-plaisir de la
table est bon, vraiment bon, car le chef a le geste et le goût juste
visiblement. Dommage que la carte des vins, et surtout des Meursault, soit
aussi dispendieuse, et ce, sans nom et bouteille qui rassure. Il manque aussi
un peu de jugeote au service pour éviter des erreurs de ce calibre et l’adresse
sera vraiment bonne.
Pour le reste, c’est un
peu la même chose, le parc et le château sont magnifiques, la vue sur le
clocher perdu dans le brouillard d’hiver la nuit, et éclairant le ciel bleu de
jour est fabuleuse. Les chambres, surtout celles du dernier étage, sont par
contre un peu chèrement tarifées mais le plaisir est là, surtout après quelques
heures à barboter dans un spa au pied des vignes et de ce beau Château de
Meursault.
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