Je parlais d’une véritable quête la semaine passée, et si elle a été passionnante (voir le récit ICI), il y a mieux encore que d’aller chercher ses propres grenouilles ultra-fraîches : les partager, les déguster.
Pour les
mad-about-froggies de mon acabit, rien de mieux que de les ramener à domicile
et de s’en régaler le plus simplement du monde. Pour cela, c’est pas compliqué,
mêmes les cuisiniers du dimanche y arrivent : les passer sous un filet
d’eau quelques secondes, laisser s’égoutter, couper un morceau de beurre (cru
de préférence, bon a minima) large comme le bras, laisser fondre doucement et y
plonger les cuisses, comme ça, sans rien d’autre (donc sans ail ni persil) qu’un
peu de sel et laisser cuire 7 minutes, pas une de plus, mais pas moins non
plus.
Ensuite, laissez-vous
aller, picorez avec les doigts, à même le plat au milieu de la table (posé sur
un chauffe-plat, c’est mieux encore) et continuez jusqu’à que trop-plein s’en
suive. Et surtout, n’oubliez pas de vous léchez le bout des doigts ensuite, par
correction pour le produit, et d’abord, pour le plaisir.
Il ne vous reste plus
alors qu’à entasser les os, façon Douaumont, et à vider quelques canons, dûment
sélectionnés. Il faut dire que les grenouilles se plaisent bien avec quantité
de nos vins favoris, et qu’elles appellent souvent le verre suivant. Pour ma
part je les adore avec du Jura entre-deux âges bien sûr, mais aussi avec de
beaux et jeunes Bourgognes et quelques Alsace à maturités. Mentions spéciales
au Riesling Clos Liebenberg 2002 de chez Zusselin, qui conjugue le gras en
bouche et l’amertume assumée en fin de bouche ; notons aussi et surtout le
St Veran 2011 des Poncetys à la franchise absolu, et particulièrement le 2000
« Hors Classes » du Domaine des Valanges, superbe de sérénité. Et quand
on veut marier le beurre au beurre, frais, noisettés, un petit Meursault
primesautier de Sébastien Magnien, dans l’impeccable millésime 2009.
Reste que si vous voulez
vous faire un grand plaisir, le Jura se pose là, que ce soit sur une cuvée de
chardo « Grusse en Billat » du Fanfan Ganevat en 2010, frais et large
en entrée, intègre au possible, ou ce savagnin génial de Berthet-Bondet, sur le
millésime 2008, franc et géant, puissant, mais qui se laisse adorer, même par
ceux qui avaient encore du mal il y a peu. Avec ce dernier vin, dont quelques
centilitres ont servi à déglacer la derrière tournée de grenouilles, et qui ont
ensuite été baignées dans un peu (trop) de crème crue de nos montagnes pour un
dernier délice non-coupable.
Pour ceux qui ne veulent
pas cuisiner ces divines grenouilles, vous pourrez chercher le restaurant dans
leur Jura natal, tantôt planqué au fin fond de nulle part et tellement bien
là-bas, au calme, qu’il ne souhaite pas qu’on en parle, ce qui ne m’empêche pas
de dire que j’y ai passé un sacré bon moment la semaine dernière. Vous pourrez
également vous arrêter en bord de route, où en saison (compter mi-février au
plus tôt, mi-avril au plus tard) s’égrènent les panneaux annonçant la belle
nouvelle. Et pour ceux qui cherchent une table sérieuse et tastée par votre
serviteur, je vous invite à vous rendre au Bistro Le Pontarlier de Port-Lesney, où j’ai déjà
fait quelques demi-orgies dans une ambiance fort agréable (retrouvez ma
chronique ICI).
Bien sûr, vous pourrez
aussi vous en régaler en mode étoilé, un-deux-trois peu importe, le plus
dommage étant qu’elles ne viennent pas souvent alors de France, et que mêmes
certaines d’entre-elles ne doivent pas arriver fraîches sur place. Pour le
plaisir, je vous rappelle cette entrée-signature du Maximilien : goujonettes
de Grenouilles en tempura, escargots au pesto, crémeuse à l'ail dont le seul
défaut, à mon goût, est le manque de matière dans l’assiette, car on mangerait
bien 3-4 assiettes de cet acabit.
En matière de grenouilles, je me souviens
aussi de celles dégustées chez Jeunet, en février il y a 5 ou 7 ans au moins,
où quand les rousses sont mises à l’honneur par un des plus grands cuisiniers
que je connaisse, une fois encore le plat manque de générosité, mais, qu’elle
précision dans la cuisson !
Et pour en finir avec ce
batracien-totem, honneur et symbole d’une France gourmande dont la culture
gastronomique dépasse toutes les frontières et se joue de toutes les cultures,
je rappellerai ce plat-plus-que-signature de la grande famille Haeberlin, décrit
ainsi sur ce blog (ICI)
« Ce plat, en son temps, réussit le tour de force
de convaincre la reine d’Angleterre de goûter à l’honni batracien, et qui, il y
a 15 ans un soir d’anniversaire, me tirait de joyeux torrents pleins de larmes
est là, à nouveau, devant moi.
Comment le décrire sinon simplement, une mousseline, consistante mais tout en légèreté, qui dans un savant mélange de chair de poisson (brochet, sandre, si je ne m’abuse) et d’autres habitudes, cache une petite montagne de grenouilles.
Comment le décrire sinon simplement, une mousseline, consistante mais tout en légèreté, qui dans un savant mélange de chair de poisson (brochet, sandre, si je ne m’abuse) et d’autres habitudes, cache une petite montagne de grenouilles.
Une mousseline, qui enferme
ces petites douceurs certes, mais aussi un jus vineux et légèrement crèmé,
quelques ciselures de ciboulette et un lit d’épinard qui tempère le tout.
On l’attaque, on y revient, on plonge la fourchette, la cuillère et notre
appétit.
C’est simple et sapide,
et pas la peine de réfléchir des heures pour une meilleure dégustation. Bref
une parfaite entrée en matière, rien de plus, mais tellement mieux. »
Voilà mon tour de la
question, après une semaine dédiée à la grenouille, après un samedi où nous en
avons mangé respectivement 150 à midi et 140 le soir (à 6 tout de même). Pour
ceux qui ne tiendraient pas plus longtemps, vous avez dans cet article tout (et
même plus) pour vous régaler : alors partez en quête de ces gourmandises
on ne peut plus naturelles, et faites-vous plaisir !
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