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vendredi 9 octobre 2015

La Nouvelle Auberge à Wihr-au-Val, sans surprise, un très beau menu gourmand.

Quand le vendredi sonne plus creux que d’habitude, j’en profite souvent pour faire une parenthèse gourmande et réviser mes (adresses) classiques ; quel bonheur de passer quelques heures en terre épicurienne, à partager un menu, sans grandes surprises certes, mais avec beaucoup de plaisir.





Le premier est de revenir dans cette salle que j’aime beaucoup, entre la salle à manger familiale et la grande table de petite vallée. Le second est d’attaquer cette assiette d’amuse-bouches qui vous pose directement dans le paysage culturel. 
Sur une table étoilée, proposer une tartine de met’ (mettwurscht pour les alsaciens, « saucisse à bubu » pour les kaysersbergeois des eighties…hommage sincère au bon père J.L. Bruxer en passant)  pour commencer, c’est vraiment parfait, et il fallait oser. 

A côté le petit cupcake-lardons proche mais loin du mini kougelhopf à moins d’intérêt mais prépare au dernier point de la trilogie alsacienne : un superbe macaron au Munster…oui au Munster, d’une justesse sans nom, on sent là les heures d’essai pour toucher juste et restituer goût et texture du fameux fromage. Après cela, la suite de la mise en appétit a moins d’impact, forcément, mais le simple plaisir est toujours là et se renforce sur la quenelle de brandade (planquée sous la tuile de pain de campagne) plus encore que sur le petit shot de gaspacho.



Mais maintenant il est surtout grand temps de passer au menu, on est prêt à en découdre. Arrive alors une assiette bien montée d’une salade de homard bleu, dont la bête est un peu éclatée en petit morceaux dont la fermeté préserve la mâche. 
L’espuma chou-fleur légèrement vanillé a bien moins d’intérêt à mon goût et la bisque prise au fond de l’assiette semble, à première vue, sans trop de saveurs. 

C’était sans compter sur la patte du chef, la bisque se révèle en arrière-bouche, à la seconde cuillère où on l’a prise seule. Là tout se met en place, les choux nouveaux en semoule posée sur l’espuma ramènent du craquant et pas mal de goût, goût qui se poursuit sur une évocation prégnante de carcasse dudit homard grâce à la bisque en gelée…c’est bon, et ce qui est meilleur encore, c’est que cela ne se révèle pas à la première bouchée.



Ensuite je me réjouissais de retrouver un foie gras poêlé du chef, tant je trouve qu’il maîtrise l’exercice. Le reste de l’assiette, un peu sèche mais bien colorée, est une ode à la terre avec moults betteraves mandolinées qui amènent le croquant et l’une en sorbet bien glacé, posé sur une feuille d’oignon rouge. 

Le foie gras ne l’est pas du tout, gras, il est cuit très précisément et servi à bonne température. Le meilleur moment de l’assiette sera quand vous oserez assembler sur la fourchette sorbet betterave, le grillé de l’oignon rouge et une pointe de foie gras…quel grand plaisir « élémentaire » ! 



Le poisson suivant est à l’image de la maison, simple, classique, lisible et pourtant si difficile à atteindre. La lotte est proprement fabuleuse, la qualité du poisson aide forcément mais c’est la précision de cuisson qui fait tout. 

Du coup la résistance et le goût de cette chair sont respectés mais tout en la rendant plus fondante. Elle repose dans ce qui est à l’équilibre entre la bouillabaisse et la sauce vierge revue et corrigée ; c’est sans surprise mais beau, même une fois l’assiette attaquée et c’est bon jusqu’à la dernière cuillerée engouffrée.



Pour continuer de se régaler, j’avais demandé une petite fleur au chef, pouvoir prendre le ris de veau de la carte plutôt que celui du menu. Ce que je sentais bien, très bien même, c’était cette promesse d’une « tartelette d’oignons nouveaux »…grand bien m’en a pris. 

Le ris de veau était impeccablement cuit, la pommette est parfaitement meunière, blanche et compacte au cœur, fondante en bouche, avec un goût respecté. Le jus de veau ne fait qu’ajouter au plaisir, mais le plaisir est décuplé par la tartelette, ode à l’oignon (ce n’est pas sale), avec la tension du presque cru matinée par la douceur du quasi-confit.  Quelques girolles ajoutées n’enlèveront rien au bonheur de déguster cette assiette.



Après ces quelques plats de grande « cuisine de cuisinier classique », celle qui, du Maximilien à l’Auberge de l’Ill ne sera jamais démodée et à laquelle il faudra toujours revenir de temps à autre, le dessert va sur le même registre. Que faire de plus « simple » qu’une crème brulée aux quetsches, à priori rien, et pourtant ça touche juste, ça caresse dans le sens du poil et ça cajole les papilles, sans les brusquer, sans avoir besoin d’y penser ni de s’extasier, juste pour le plaisir.


Car vous l’avez compris, si j’insiste sur le côté classique de cette cuisine, elle n’en est pas moins d’une précision tout ce qu’il y a de plus moderne  et ces plats sans surprise ne manquent pas de plaisir, bien au contraire. 
Pourtant il y a quelques concessions aux modes de notre temps, mais c’est à mon goût ce qui touche le moins au cœur, et c’est, comme toujours, dans « le produit, la cuisson » que finalement, toute la gourmandise se trouve.


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