Elégance TROISGROS
Il est grand temps désormais de se reposer l'émotion et les "mandibules à tête chercheuses", et ce plateau-géant, porté à la main (!!), regorgeant de pièces et de meules entières est le bienvenu. Pour ne pas s'assoupir, un chutney tomate-vanille et un de poire égaye ce qui n'en avait pas vraiment besoin, mais bon, pourquoi ne pas se laisser aller à la perfection ?
En 2009, une fois de plus, les délices s'enchaînent et ensevelissent tous les doutes et autres petits malheurs du quotidien. Une fois de plus j'ai parcouru la France le nez au vent, histoire de goûter le temps présent. Dans cet article je vais vous décrire par le menu, le repas qui m'a, en 2009, le plus impressionné, sans oublier de me régaler évidemment.
MAISON TROISGROS, Récit du déjeuner du 15 Mai 2009
Une croquette tendre, moelleuse et citronnée - Une tuile épaisse de parmesan, moutardée, avec une belle tranche de pastèque légèrement poivrée - Une sucette tomate-rôtie, simple en apparence, complète en bouche.
On commence par cet amuse-bouche fabuleux, une très belle réflexion sur le sujet, toute en légèreté, en titillement. Dosé, millimétré, intelligent...de quoi s'exciter les neurones et l'appétit pour la suite.
Me voici désormais installé devant mes premiers couteaux depuis fort longtemps, et une bien belle texture moelleuse et rebondissante s'offre à moi. Quelques bouchées fraîches, posées en lévitation sur ce miroir d'un vert diffusant ses fragrances vaporeuses.
Un plat, minimaliste en plein, l'élégance de la finesse, et la preuve que la douceur est aussi dans une certaine amertume. Le terrien et le marin s'embrassent pour ne faire qu'un.
Après ces touches malignes, on tombe ici dans le régressif-intense qui finit de nous installer en ces lieux. Le mélange Beurre et Satay est un vrai appel à la gourmandise, les cuisses ont juste la bonne taille et la bonne découpe pour faciliter la dégustation....et permettre d'en grignoter une bonne partie avec les doigts...De bien belle friandise gloutonnée rapidement !!
Premières effluves puissantes-élégantes qui s'échappent en force de l'assiette pour vous mettre dans le bain. Ces "ravioles" sont fines et légères, translucides et appétissantes, comblées de Terre.
Le compromis entre la simplicité des saveurs et la précision touche au génie, le coulis d'asperges est trop beau pour être vrai. On se demande même si tout cela n'est pas trop intelligent pour nous, pauvre mortel aux papilles jamais assez aiguisées.
Quittons un peu la réflexion pour le plaisir de la découverte, en l'occurrence, cette epine-vinette que je connaissais que très vaguement de nom. A la suite de ce plat, la voici inscrite dans mes gènes tant l'accord fut majestueux.
Un très beau tronçon, fier, droit, cuit rosé-saignant (n'essayez pas ça chez vous malheureux), servit sur ce beurre blanc et surmonté de ces bulbes formidables. Le tout se fond en bouche comme une évidence, pour un plaisir-nouveau et jouissif.
Voilà après toutes ces émotions, le juste plat pour se remettre en selle, et un nouveau plaisir est décliné ici, celui de l'évidence. A voir ce homard, on pense à juste titre que ça sera pas compliqué, direct, et c'est le cas, la bête est belle, et les poudres de Mr Roellinger, magique.
Ces poudres d'escapades magnifient tout ce qu'elles touchent, la coque est ornée d'une belle chair ferme et la pince, plus tendre, trône sur un cube de pomme de terre. Le beurre est, malgré son intégration à tous ces éléments, bien présent, comme un dernier petit rappel des habitudes et de la prescription des anciens de la Maison.
Après tant de bonheur, on en oublierai presque de se réjouir pour le seul service de viande, grave erreur tant ce plat est intense. Malgré son côté simple, on n'imagine pas le travail et les heures de test (à ce sujet, je postule comme cobaye) pour arriver à cet équilibre.
La viande est goûteuse et juste relevée par le poivron-confit et surtout, par ce jus d'anthologie, puissant, complémentaire malgré la difficulté de leur assemblage. Un grand souvenir...
Il est grand temps désormais de se reposer l'émotion et les "mandibules à tête chercheuses", et ce plateau-géant, porté à la main (!!), regorgeant de pièces et de meules entières est le bienvenu. Pour ne pas s'assoupir, un chutney tomate-vanille et un de poire égaye ce qui n'en avait pas vraiment besoin, mais bon, pourquoi ne pas se laisser aller à la perfection ?
A peine le temps de rêvasser que les douceurs entrent en scène, ici pas de grand service de mignardise infinie, mais un dessert qui se suffit à lui-même, en trois services pour une nouvelle vision de notre temps.
La tartelette est un délice lacté, café-cacaoté, boosté par un menthol presque invisible, ultra-maitrisé, pour un dessert quasi-rafraîchissant.
La tartelette est un délice lacté, café-cacaoté, boosté par un menthol presque invisible, ultra-maitrisé, pour un dessert quasi-rafraîchissant.
On poursuit par un tour de force improbable, un coeur glacé et poiré-vérité, enchâssé dans cette boule aux hémisphères dissemblables. Le sud est dur et meringué, le nord fondant et mousseux-solide...franchement...on ne peut que s'incliner et ne pas en laisser une miette.
La fin de ce voyage immobile et transcendant est proche, et on n'arrive même pas à en être triste car on sait déjà depuis bien longtemps que ce repas habitera longtemps encore dans un coin de mon encyclopédie gastronomique personnel.
On se quitte donc en douceur avec cette finesse de chocolat et framboise presque effacée, légère comme une pensée amicale avant le départ.
Et quand le jardin est vide comme en ce jour, on peut faire quelque pas, pousser de peu discret râle de bonheur, le corps dorloté, l'esprit calmé.
Même la route ne fait pas peur quand on a vécu un moment pareil, et vous comprendrez que j'ai nommé ce repas dans mon panthéon 2009.
Un tel déferlement d'intelligence bien placée, de travail-évident, de qualité et de plaisir distribué avec science me fait penser que Michel Troisgros est totalement dans le VRAI, dans l'air du temps, dans LA nouvelle-nouvelle cuisine.
Dans 30 ans on en reparlera, des trémolos dans la voix; et pour ceux qui ont loupé le doux choc d'une première rencontre avec Guérard dans les early-eighties, ils peuvent passer par Roanne.
En croquant le présent, nul doute qu'ils dégusteront un avant-goût d'Histoire.
3 commentaires:
Certes, on connaît la maison, et depuis des lustres.
Mais là, tout semble découverte et la façon d'en parler fait qu'on a une furieuse envie d'y courir … alors que, de plus en plus sur le blog de F Simon, on e envie de fuir : tellement et si tristement BOBO parisianisme !
Bravissimo pour ce magnifique reportage.
Grandement merci pour ces commentaires élogieux.
J'ai naturellement assez peu d'accointance avec le grand pessimisme ambiant, j’ai toujours préféré garder le regard posé sur la ligne d’un horizon de goût et de plaisir.
J'aime lire des commentaires comme le votre, qui laisse croire que TG c'est le "meilleur" bien dommage de ne pas avoir connu feu son frère (il était selon certain La Tête Penseuse, dommage aussi que vous n''ayez pas connu le chariot des desserts aussi bien en fin de repas qu'au moment du thé . . . .comme quoi les avis divergent avec les années, sic !
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